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Textes d'opinion

Oppression fiscale (2)

J’ai consacré ma chronique de la semaine dernière à la complexité croissante de notre régime fiscal. Or, plus un régime fiscal est complexe, plus il faut allouer du temps, de l’énergie et de l’argent pour s’y conformer: il faut colliger toutes les informations nécessaires, se tenir au courant des changements apportés à la loi, embaucher des comptables, des avocats, etc. Des chercheurs ont montré que les Canadiens ont dépensé en 2005 de 18,9 milliards $ à 30,8 milliards $ pour produire leurs déclarations de revenus, soit un montant variant entre 585$ et 955$ par contribuable.

De son côté, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a estimé en 2008 qu’il en coûte 12,6 milliards $ aux entreprises canadiennes au chapitre de la conformité fiscale. La complexité est également coûteuse pour l’État. À lui seul, Revenu Québec emploie 9000 fonctionnaires et nécessite un budget de 1,4 milliard $!

On nous dit que c’est le souci de justice et d’équité qui explique la complexité du régime fiscal. C’est faux! La complexité tient au nombre infini de dispositions spéciales, d’exemptions, d’exceptions, de déductions et d’abris que les politiciens accordent, entre autres, aux groupes de pression dont ils souhaitent obtenir les votes. Or, qui dit privilège, dit corruption. Un régime fiscal complexe est donc doublement injuste. D’une part, parce qu’il ne soumet pas tous les revenus au même traitement. D’autre part, parce que l’État ne peut alléger le fardeau fiscal des uns sans alourdir celui des autres.

Il existe pourtant une solution de rechange. Plus de 25 pays ont remplacé leur impôt progressif par un impôt à taux unique dont le formulaire tient sur une carte postale. Le contribuable déclare ses revenus, soustrait un montant qui tient compte de la taille de la famille, et applique le taux unique à la portion restante. Un formulaire tout aussi simple est également prévu pour les entreprises.

Évidemment, les lobbies et autres groupes privilégiés s’efforceront d’assurer la pérennité du système actuel. Quand on bénéficie d’un traitement de faveur, on veut le préserver! L’économie québécoise aurait pourtant beaucoup à gagner à considérer l’impôt à taux unique.

D’abord, l’impôt à taux unique élimine tous les privilèges, traite de manière égale tous les revenus, et permet de réduire considérablement les coûts liés à la conformité fiscale et à la perception des impôts.

Ensuite, contrairement à l’impôt progressif, l’impôt à taux unique (si ce taux n’est pas trop élevé, bien sûr) ne décourage ni le travail ni aucune autre activité productive. La classe politique a compris depuis longtemps que taxer le tabac réduit le tabagisme. Pourquoi a-t-elle alors tant de difficulté à accepter que des taux d’imposition élevés et croissants encouragent l’oisiveté, détruisent l’esprit d’entreprise et freinent la croissance?

Malgré tout, nos dirigeants se montrent réfractaires à l’idée d’un impôt à taux unique. L’élite syndicale, qui a maintes fois prouvé son indifférence quant aux intérêts économiques du Québec, va même jusqu’à réclamer l’ajout d’un palier d’imposition supplémentaire. Or, cette résistance au changement ne pourra perdurer. Les pays qui ont simplifié leur régime fiscal attirent les travailleurs, les entrepreneurs et les investissements. Ils exercent une concurrence que le Québec ne pourra ignorer encore bien longtemps.

Certes, l’impôt à taux unique n’est pas une panacée. La croissance et la prospérité sont le résultat d’une combinaison de mesures et de politiques économiquement saines. Néanmoins, il est temps de considérer les avantages d’un impôt à taux unique. Surtout, il faut prendre conscience du fait que ce n’est pas avec un impôt punitif que l’on bâtit une société travaillante et dynamique.

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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