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Événement

La route de la servitude

Présentation de Jasmin Guénette, directeur des affaires publiques de l’IEDM, dans le cadre de la 29ième Université d’été de la nouvelle économie, Le futur de l’Europe: harmonisation ou concurrence?, Aix-en-Provence, 27–30 août 2006

Mesdames, Messieurs, bonjour!

Mon nom est Jasmin Guénette et suis le directeur des affaires publiques à l’Institut économique de Montréal. L’Institut économique de Montréal est un centre de recherche et d’éducation économique indépendant, non partisan et sans but lucratif. Comme son nom l’indique, nous sommes situés à Montréal et nous avons débutés nos opérations en 1999.

Nous poursuivons notre mission principalement par le biais de nos événements et de nos publications.

Un des projets qui nous tenais le plus à coeur depuis un certain temps était d’obtenir les droits de traduire en français l’un des articles les plus influents dans l’histoire de la philosophie politique, soit le condensé du livre de Friedrich August Hayek The Road to Serfdom paru en 1945 dans l’édition américaine du Reader’s Digest. Ce texte, maintes fois publié en anglais, n’a jamais été rendu accessible aux lecteurs francophones. Alors, le voici! Nous avons donc traduit l’article paru en 1945 qui est précédé d’une introduction écrite par Brian Lee Crowley dans un petit livre intitulé Friedrich A. Hayek, ennemi de la servitude.

Avant d’aller plus loin, j’aimerais remercier les gens de l’Institute for Economic Studies pour leur aimable collaboration au lancement de ce livret. Il s’agit du premier lancement d’une série de trois, le deuxième se fera à Paris au mois d’octobre et le dernier se tiendra à la fin de l’année à Montréal.

Je tiens à remercier particulièrement Jacques et Pierre Garello qui me donnent l’opportunité de présenter brièvement devant vous la version française du Reader’s Digest. Merci également à Cathy Préaux pour son aide. Enfin, un merci tout spécial à mon bon copain Valentin Petkantchin pour son aide dans l’organisation de ce lancement.

Pourquoi publier ce livret? Quelle est sa pertinence?

Hayek est l’un des plus influents penseurs du 20e siècle. Son livre The Road to Serfdom, ou La route de la servitude, est considéré comme l’un des principaux plaidoyers contre le totalitarisme, le socialisme et l’interventionnisme étatique.

L’article du Reader’s Digest a rejoint des dizaines de millier d’Américains et a permis aux idées de Hayek d’avoir une audience et une influence bien au-delà des cercles d’intellectuels habituels. La route de la servitude a eu un impact important sur l’histoire politique et intellectuelle du 20e siècle. Les idées de Hayek ne sont pas étrangères à la chute du mur de Berlin, à la chute des régimes communistes de l’Europe de l’Est et, avant cela, aux idées de réforme proposée par Lady Margaret Thatcher.

Le livre a été réimprimé six fois dans les 18 premiers mois de sa parution en Angleterre. À un certain moment on parlait du « livre impossible à obtenir » tellement il ne restait pas longtemps sur les tablettes. L’article du Reader’s Digest fut distribué et vendu à des dizaines de milliers d’Américains. Au moment de la parution de l’article, Hayek était en bateau et se dirigeait vers les États-Unis. À son arrivée, il devait donner une conférence devant une centaine de personnes alors que 3000 personnes se sont déplacées. C’est vous dire à quel point les gens ont été marqués par les idées de Hayek.

Simplement pour vous rappeler que le livre a été publié en 1944 en Angleterre et en 1945 aux États-Unis.

Ce que je trouve le plus intéressant personnellement, c’est que Hayek n’est pas seulement un économiste, mais qu’il a aussi contribué de façon significative à la philosophie politique et aussi à la psychologie. Comme j’ai une formation en science politique, c’est davantage son côté philosophe qui m’a intéressé.

Une des idées clé de Hayek est l’importance de l’information et de l’ordre spontané. Le marché n’est pas une question d’argent, c’est un système complexe de coopération entre les acteurs et un processus de découverte. Chaque acteur possède des informations cruciales sur sa propre situation, ses besoins, capacités, etc. Les prix permettent de transmettre l’information et de coordonner les actions sans avoir à connaître les situations des millions d’autres acteurs. Sans qu’il y ait de contrôle centralisé, un ordre spontané émerge alors que chacun répond aux signaux du marché, aux signaux des autres. Comme personne ne peut connaître toute l’information qui se trouve dans la tête de millions de personnes, la planification centralisée est impossible. Les planificateurs ne peuvent imposer leurs objectifs que par la coercition. Une intervention détruit un signal du marché et exige une autre intervention pour corriger le problème. C’est pourquoi l’intervention de l’État ne peut que mener graduellement vers le totalitarisme (c’est cela la route de la servitude).

La route de la servitude

Le livre arrive à un moment crucial: fin de la Deuxième Guerre mondiale.

À cette époque, la planification centralisée s’est imposée comme moyen de coordonner l’effort de guerre. On croit que ça fonctionne et qu’il faudra aussi « planifier la paix » de la même façon. L’interventionnisme étatique, le socialisme et le keynésianisme sont les idéologies montantes partout en Occident, et en particulier en Grande-Bretagne, où l’on prépare la mise en place d’un État-providence très élaboré (Beveridge Report).

Le gouvernement britannique commande un rapport à l’économiste socialiste William Beveridge. Selon lui, le gouvernement devrait combattre les cinq « maux gigantesques » (giant evils) que sont le besoin, la maladie, l’ignorance, la misère et le chômage. Sans entrer dans les détails, le plan Beveridge commence à se mettre en place en 1945 lors de l’élection du parti travailliste.

Si vous n’avez pas le temps de lire le livre au complet, le livret est une très bonne introduction. Mais vous devriez prendre le temps de lire le livre, c’est un classique d’une importance fondamentale dans l’histoire des idées au 20e siècle, en particulier pour ceux qui croient à l’importance de la liberté et du libre marché.

Dans La route de la servitude, Hayek démontre la filiation directe entre le socialisme et le fascisme, autant du point de vue des idées que des méthodes. D’ailleurs, le livre est notoirement dédié « aux socialistes de tous les partis ».

Hayek explique que le système libéral, fondé sur la propriété privée et la concurrence, n’est pas parfait, mais constitue le meilleur moyen de coordonner les activités humaines sans intervention arbitraire ou coercitive de l’autorité. Il explique dans son livre que la planification et l’égalitarisme sont incompatibles avec la démocratie. Les gens n’ont pas tous les mêmes aptitudes, les mêmes motivations et les mêmes objectifs. La « social-démocratie » peut sembler une idée attirante, mais le socialisme est par essence incompatible avec la liberté individuelle.

Hayek donne l’exemple suivant: les règles d’un marché libre (droits de propriété, contrats, échanges libre, etc.), c’est un peu comme le code de la route (rouler à droite, s’arrêter aux feux, etc.). Les gens doivent se conformer à quelques règles de base, mais il est possible d’aller où l’on veut. Dans une société libre, on ne sait pas où s’en vont les gens et ce n’est pas grave. Il y a un ordre spontané qui émerge de tout cela, sans besoin de contrôle central. Les interventionnistes eux veulent au contraire contrôler quand on peut rouler, sur quelle route, et où l’on s’en va.

En terminant, je dirais que l’argument principal de Hayek dans ce La route de la servitude est que les intellectuels – passé et présent – s’illusionnent en croyant que la maîtrise de la vie sociale et économique se trouve facilement, ou presque, à leur portée.

Je cite Brian Lee Crowley qui signe l’introduction du livret: « Profondément troublé par ce qu’il constatait autour de lui, Hayek se donna pour mission de dégonfler les prétentions à l’allure rationnelle des planificateurs ambitieux et de montrer qu’elles n’étaient en fait que le plus vieux truc de marketing au monde, c’est-à-dire de la publicité trompeuse. Les planificateurs promettaient un monde dans lequel les besoins et désirs du public seraient satisfaits plus efficacement et avec moins de gaspillage et de misère humaine que jamais auparavant. Hayek savait que la réalité serait plutôt que la vie des gens allait être planifiée de façon à satisfaire les besoins et les désirs des planificateurs eux-mêmes. Et en bout de ligne, si on laissait libre cours à ce mouvement, le gaspillage économique et la perte de liberté individuelle s’avéreraient désastreux. »

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