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Textes d'opinion

“Fabriqué en Israël”

Depuis quelques mois, un courriel circule aux quatre coins du monde. Il est apparu à quelques reprises dans mes messages, et peut-être l’avez-vous également reçu. Il s’agit d’un appel à boycotter les produits israéliens ainsi que les entreprises qui supportent l’État hébreu. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une campagne internationale visant à appuyer la cause palestinienne, à manifester sa désapprobation de la politique israélienne, et à faire pression sur le gouvernement de Benyamin Netanyahou.

De l’essayiste canadienne Naomi Klein jusqu’aux syndicats britanniques, en passant par la Scandinavie et l’Irlande, le mot d’ordre se répand. Le 25 novembre dernier, c’était au tour du parti Québec solidaire d’endosser la campagne «Boycott, désinvestissement et sanctions» contre Israël. Pour aider les participants à faire les bons choix de consommation, une liste circule sur Internet. Ainsi, il faudrait bouder, entre autres, les produits agricoles israéliens, les produits Ahava, Carmel Agrexco, L’Oréal, Revlon, Estée Lauder, McDonald’s, Coca Cola, Nestlé, Sara Lee, Siemens, Starbucks, Danone, Disney, Home Depot, Johnson & Johnson, Kimberly Clark, Lewis, Caterpillar, etc.

Suffit-il réellement de mettre à l’index ces quelques entreprises pour influencer la politique israélienne? Évidemment pas! Alors, pourquoi s’arrêter là? Pourquoi faire dans la demi-mesure? Les boycotteurs ont tort de se limiter à quelques mesures tape-à-l’œil. Pour prouver leur engagement, ne devraient-ils pas aller au bout de leurs convictions et refuser d’acheter absolument TOUT produit originaire d’Israël sans aucune exception?

Les boycotteurs devraient donc désactiver leurs boîtes vocales, et refuser d’utiliser le système VoIP et AOL Instant Messenger, car ce sont des compagnies israéliennes qui les ont développées. Plus question d’employer une clé USB, car c’est Dov Moran, un Israélien, qui l’a mise au point. Les boycotteurs devraient également trouver des solutions de rechange aux produits Cisco, IBM, HP, Intel, Microsoft, Google, Yahoo ou Motorola, car ces entreprises possèdent toutes des centres de recherche en Israël.

En cas de maladie, les boycotteurs devraient discuter sérieusement avec leurs médecins afin de s’assurer d’être soignés dans le respect de leurs principes. Entre autres, ils devraient s’abstenir de recourir aux thérapies se servant de cellules souches, car Israël est un pionnier dans ce domaine. C’est également ce pays de 7,3 millions d’habitants qui nous a donné le premier système de diagnostic du cancer du sein sans radiation, et le premier système informatisé d’administration des médicaments à l’abri des erreurs humaines. C’est une entreprise israélienne, Given Imaging, qui a développé la première caméra sous forme de gélule à avaler pour dépister les pathologies digestives. Quant aux médicaments contre le cancer, l’Alzheimer, le Parkinson et la fibrose kystique, on les doit aux découvertes de Aaron Ciechanover et Avram Hershko, prix Nobel de chimie (2004) et professeurs au Israel Institute of Technology. Et en cas de paralysie, il faudrait refuser le ReWalk, un système d’exosquelette qui offre aux paraplégiques la chance de retrouver l’usage de leurs jambes, car c’est la compagnie Argo Medical Technologies, basée à Haïfa, qui l’a développé.

Quand on croit véritablement à une cause, on ne se contente pas de mesures timides et, surtout, on ne boycotte pas de manière sélective en fonction de l’intérêt que les produits présentent. Alors, à Québec solidaire et à toutes les organisations dans le monde qui soutiennent les sanctions économiques envers Israël, je lance le défi suivant : vous voulez boycotter les produits israéliens? Soit! Mais montrez du sérieux, de la cohérence et de l’intégrité, et boycottez absolument tout ce qu’offre Israël. À moins, bien entendu, que ce boycott ne soit que de la frime…

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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