L’aveuglement volontaire a un prix
C’est fait! Le sommet de Copenhague est en cours depuis lundi. Le monde entier retient son souffle dans l’espoir que les chefs d’État ratifient un traité devant sauver la planète. Il faut agir vite, nous dit-on, car si nous ne réduisons pas immédiatement et radicalement nos émissions de CO2, il sera trop tard pour éviter la catastrophe.
Ainsi, pour faire la guerre au CO2, on déplace une centaine de chefs d’État, 15 000 délégués, 10 000 activistes et lobbyistes et 5000 journalistes. On retient les services de 1200 limousines, et on compte plus de 140 jets privés! En douze jours, la conférence de Copenhague aura généré 41 000 tonnes de CO2, autant que ce qu’émet un pays comme le Maroc pendant toute une année. Pour un sommet sur l’environnement, est-ce vraiment écolo?
Mais l’ampleur de l’événement importe peu. Le plus singulier, c’est le fait qu’on discute sérieusement du réchauffement climatique en faisant fi du «climategate», soit le scandale entourant des courriels que s’échangeaient les scientifiques du Climate Research Unit (CRU) de l’Université d’East Anglia. Pourtant, on peut y lire explicitement que des chercheurs sont incapables d’expliquer l’absence de réchauffement climatique, qu’ils détruisent délibérément leurs données pour que personne ne puisse vérifier leurs affirmations, et qu’ils manipulent les programmes informatiques pour obtenir les résultats recherchés. Ceci aurait dû être suffisant pour mettre en doute les propos alarmistes dont on nous accable, et pour, tout au moins, reporter la rencontre jusqu’à ce qu’on soit fixé sur l’intégrité des chercheurs visés.
Mais non. On fait comme si le «climategate» n’existait pas. Certains affirment qu’il n’y a pas là matière à scandale, car il s’agirait de cas isolés. D’autres prétendent qu’il s’agit d’une vaguelette sans importance, car les courriels divulgués ne viseraient qu’un «petit groupe de scientifiques», que les coupables ne représentent qu’«une toute petite minorité». Si cela s’avère, les délits en question seraient alors effectivement insuffisants pour remettre en question le «consensus » sur les causes anthropiques du réchauffement climatique.
Il convient donc de définir ce qu’on entend par «minorité». Est-ce 2% des scientifiques? 5%? 10%? 15%? Le «Diagnostic pour Copenhague» est un dossier préparé par 26 éminents chercheurs, la plupart auteurs principaux ou collaborateurs ayant travaillé à produire les rapports du GIEC. Ce document, qui doit alimenter les discussions entre chefs d’État lors de la conférence, présente les plus récentes observations et connaissances scientifiques sur l’évolution du climat et se veut une mise à jour du dernier rapport du GIEC. N’est-il donc pas raisonnable d’affirmer que ces chercheurs sont parmi les plus influents de la planète?
Or, parmi ces 26 scientifiques, combien sont impliqués dans le scandale des courriels compromettants? La réponse est horrifiante : ils sont 12, ce qui représente 46% des auteurs du «Diagnostic de Copenhague»! En d’autres termes, on a toutes les raisons de douter de l’honnêteté intellectuelle de près de la moitié des scientifiques les plus écoutés au monde.
Ce n’est pas tout. Il faut ajouter ceux qui n’ont pas participé à la rédaction du «Diagnostic de Copenhague», mais qui ont néanmoins collaboré aux rapports du GIEC, comme Phil Jones, Kevin Trenberth et Ben Santer, et qui figurent parmi les principaux protagonistes du scandale. Et on nous dit qu’il ne s’agit que de cas isolés? Voyons donc!
Certes, on peut bouder les preuves du Climategate, et persister à croire sans réserve en une apocalypse climatique imminente. Mais l’aveuglement volontaire a un prix : un traité coûteux et contraignant. Sommes-nous prêts à en assumer le fardeau?
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.