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Textes d'opinion

En avoir pour son argent (2)

J’ai consacré ma chronique de la semaine dernière à l’assouplissement quantitatif. Nous avons vu que par ce terme pseudo-scientifique, il faut simplement entendre que la Banque Centrale injecte de la monnaie dans l’économie sous forme de billets ou de virements électroniques.

Or, quand on augmente la quantité de monnaie en circulation, l’argent perd de sa valeur et il faut offrir une quantité de monnaie toujours plus grande pour se procurer les biens convoités. L’injection de liquidités occasionne une dévaluation de la monnaie et est donc responsable de la hausse généralisée du niveau des prix, communément appelée inflation.

Néanmoins, Ben Bernanke, le président de la Fed, a injecté à plusieurs reprises des sommes importantes. Quant à Mark Carney, le gouverneur de notre Banque Centrale, il a récemment déclaré qu’il envisage l’assouplissement quantitatif. Selon eux, et selon la plupart des économistes de l’école keynésienne, un taux d’inflation modéré serait nécessaire au bon fonctionnement de l’économie. La Banque du Canada s’évertue d’ailleurs à maintenir le taux d’inflation dans une fourchette de 1% à 3%.

Quel que soit son taux, l’inflation fait des gagnants et des perdants. Les gagnants sont ceux qui disposent en premier du nouvel argent, car ils peuvent le dépenser avant qu’il ne se déprécie. Ainsi, l’État qui monétise son déficit, ses fournisseurs et les bénéficiaires des plans de relance s’enrichissent. Ils ont les moyens de dépenser davantage, mais il n’y a pas nécessairement une hausse de la production. C’est alors que les prix se mettent à augmenter. Et plus on injecte des liquidités, plus les prix grimpent.

La classe moyenne, les épargnants, les démunis, et ceux qui vivent de revenus fixes sont les grands perdants. Comme ils n’entretiennent pas une relation privilégiée avec l’État ou la Banque Centrale, ils ne profitent pas de l’injection de monnaie. Pis encore : ils s’appauvrissent, car ils se trouvent à posséder des billets dont le pouvoir d’achat ne cesse de diminuer. Par exemple, même si un taux d’inflation annuel de 2,5% paraît insignifiant, il occasionne une réduction de 50% du pouvoir d’achat en moins de trente ans. L’inflation est donc une taxe cachée qui redistribue la richesse des plus pauvres vers l’État et ses partenaires. C’est un vol!

On prétend que l’inflation est nécessaire et bénéfique à la croissance économique. Pourtant, entre 1800 et 1913, il n’y eut pratiquement aucune inflation aux États-Unis. Non seulement les prix étaient-ils stables pour l’essentiel de la période, mais ils avaient même diminué vers la fin du 19e siècle. Malgré tout, l’Oncle Sam s’est industrialisé et a été prospère.

Alors pourquoi provoquer de l’inflation? Tout simplement parce qu’elle bénéfice fortement à celui qui est endetté, car elle réduit la valeur réelle de sa créance.

Et quel pays a vu sa dette doubler au cours de la dernière année, et la doublera encore au cours de la prochaine décennie? Qui est contraint d’emprunter 1300 milliards $ cette année uniquement? Les États-Unis!

Dans les faits, l’inflation nuit à ceux qui travaillent dur pour leur argent, et permet à des gouvernements qui se sont endettés de manière suicidaire d’alléger subtilement le fardeau de leurs engagements. Manifestement, l’administration Obama privilégie une vision à court terme en tentant de régler ses problèmes financiers en profitant des politiques inflationnistes de la Fed, même si cela doit appauvrir des millions d’Américains. Est-il donc vraiment nécessaire que notre Banque Centrale imite les initiatives lamentables de nos voisins du Sud?

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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