Pour un diffuseur (vraiment) public
La SRC devrait profiter de ses ennuis financiers pour revoir son financement et se rapprocher de son public.
Elle peut s’inspirer de la National Public Radio (NPR) aux États-Unis. NPR offre aussi des émissions culturelles et des reportages à l’étranger, sans publicité. Mais NPR n’est pas un diffuseur. Elle conçoit des émissions et les vend à ses quelque 900 stations-membres. Près de la moitié de son budget vient des cotisations de ces stations, elles-mêmes financées par les dons des auditeurs. Le reste provient de commandites d’entreprises et de fondations. Le contribuable y gagne: moins de 2% du budget de NPR est financé par l’État.
Jadis, l’État américain finançait presque 40% du budget de NPR. En 1994, il menace de se retirer. NPR se convertit en organisme sans but lucratif. Trois ans plus tard, les dons privés remplaçaient presqu’entièrement le financement de l’État.
Le secret de cette «privatisation»? NPR offre aux auditeurs ce qu’ils veulent entendre. Avec leurs dons, les auditeurs influencent la programmation des stations-membres. Un exemple: la station-membre du Vermont recueille du financement. Un auditeur tient à l’émission Jazz du matin. Il appelle et fait un don pendant l’émission! Une émission qui attire peu de dons disparaîtra éventuellement. Résultat: une programmation diverse et un lien d’appartenance entre la station et sa communauté.
À Radio-Canada, l’auditeur influence peu le contenu. Les cadres et bureaucrates décident. La programmation est devenue au fil des ans moins «publique», décevant une partie des auditeurs. Alors que NPR – et son pendant télévisuel PBS – mise sur l’aspect local et la qualité, la SRC semble définir son succès par les cotes d’écoute.
Du financement privé aiderait aussi Radio-Canada à boucler son budget. Crise oblige, NPR aussi doit licencier des employés. Mais son auditoire – qui dépasse aujourd’hui 24 millions – continue d’augmenter. Deux raisons l’expliquent: la qualité de la programmation reflète les besoins des auditeurs, qui demeurent fidèles en temps de crise; et NPR ne dépend pas de revenus publicitaires: en récession, les dons diminuent moins vite que les revenus de publicité.
Les Canadiens n’ont pas le réflexe charitable aussi aiguisé que leurs cousins américains. Ils sont habitués à ce que l’État leur fournisse tous les services. Mais soyons ouvert d’esprit et explorons des façons de faire. Le but: assurer la survie de notre diffuseur. Pour y arriver, il faut rendre Radio-Canada à son public.
David Descôteaux est économiste à l’Institut économique de Montréal.