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Textes d'opinion

Accoucher d’une souris

Lorsque la commission Johnson déposera son rapport final le 15 octobre prochain, elle aura coûté environ 5 millions aux contribuables. Pour apprendre quoi? Pierre Marc Johnson a récemment annoncé que le rapport se penchera sur la conception, la construction et l’entretien du viaduc.

Le rapport se limitera donc aux aspects strictement techniques de l’effondrement : la piètre qualité du béton, le mauvais positionnement de l’acier d’armature dans le porte-à-faux, les vices de conception, et l’entretien déficient.

Ce travail d’analyse permettra certainement d’instruire les experts du ministère des Transports, mais une commission d’enquête présidée par un commissaire payé 245 $ l’heure n’aurait pas dû être nécessaire pour produire ce type de renseignement!

Sur son site internet, le MTQ affirme que sa mission est d’«assurer, sur tout le territoire, la mobilité des personnes et des marchandises par des systèmes de transport efficaces et sécuritaires». Il déclare également s’engager à «gérer de façon compétente et innovatrice les réseaux dont il a la responsabilité directe».

Décortiquer tous les aspects techniques du réseau routier est donc une tâche qui incombe au MTQ. Les contribuables versent d’ailleurs près de 2 milliards par année à ce ministère pour qu’il accomplisse sa mission.

Malgré tout, nous devons dépenser 5 millions supplémentaires pour qu’une tierce partie effectue le travail qui incombait au MTQ et qu’il a négligé depuis des années. De toute évidence, le contribuable n’en a pas eu pour ses impôts. Mais là, rien de nouveau!

Noyer le poisson

Il est encore plus troublant de constater qu’il aura fallu près d’un an pour que la Commission nous dise ce que nous savons tous depuis longtemps, à savoir que le réseau routier manque d’entretien. Quelle révélation!

Et comme si accoucher d’une souris était insuffisant, la Commission tente de noyer le poisson. Elle se perd dans les détails techniques de l’effondrement du viaduc, mais elle se garde bien de répondre à la seule question qui mérite d’être posée : pourquoi avons-nous des routes tiers-mondistes?

Il m’importe peu de savoir que le béton était de mauvaise qualité. Je veux plutôt comprendre pourquoi le MTQ n’a pas identifié le problème plus tôt, et pourquoi il n’a pas pris les mesures appropriées au moment opportun.

Les victimes de la tragédie ont été trahies par le MTQ. Nous ne devons pas nous contenter d’explications techniques qui ne visent qu’à faire dévier notre attention des véritables questions. Pour 5 millions de dollars, est-ce exagéré que de demander pourquoi il y a eu négligence criminelle?

Ignorer le fait

Si personne ne pose cette question, c’est probablement pour ne pas entendre la réponse. On préfère ignorer le fait que l’effondrement du viaduc est le résultat d’un modèle qui a fait banqueroute. Et on tente d’occulter le fait que la tragédie est emblématique d’une société qui préfère compter sur l’État plutôt que d’assumer ses responsabilités.

Nous demandons le gel des frais de scolarité, l’universalité des soins de santé, les garderies à 7 $, l’assurance médicaments, l’équité salariale, les congés parentaux, le financement des festivals, le soutien aux agriculteurs, le BS corporatif, etc.

Or, dans un contexte où le fardeau fiscal ne peut plus être augmenté, il fallait s’attendre à ce que l’État néglige certaines de ses responsabilités.

L’effondrement du viaduc est le prix à payer pour entretenir un modèle où l’État dilapide ses fonds pour financer des programmes populistes de tout acabit. Mais ça, la Commission Johnson n’osera jamais le dire!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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