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Textes d'opinion

Lois du travail: le Québec devrait s’inspirer de l’Angleterre

Statistique Canada publiait le mois dernier ses plus récentes données sur les arrêts de travail au pays. Les chiffres sont saisissants: 4,1 millions de jours ouvrables ont été perdus en raison de conflits de travail en 2005. Les tendances sont également inquiétantes. En effet, la perte de jours ouvrables est 2,5 fois plus élevée qu’en 2003 et considérablement plus élevée que la moyenne annuelle de 2,8 millions pour les dix dernières années. De plus, la grande majorité des pertes de jours ouvrables (87%) entre 2003 et 2005 a été causée par les syndicats.

Le Québec, qui compte pour 24% de la main-d’oeuvre du pays, est la province ayant connu la plus grande part des grèves et des lockouts (55%) et compte pour presque 34% des jours ouvrables perdus. Ces chiffres ne devraient pas étonner puisque le Québec est également la province qui enregistre le pourcentage le plus élevé de travailleurs syndiqués.

Lorsqu’une province est l’hôte de plus de la moitié des conflits de travail au Canada, il convient de s’interroger sur les politiques qui causent autant de dommage à son économie et à sa réputation.

En tant qu’étranger, je ne peux m’empêcher de me demander si cette situation ne découle pas des politiques québécoises draconiennes qui interdisent l’embauche des travailleurs de remplacement et empêchent les employés syndiqués de traverser les lignes de piquetage, même s’ils n’ont pas nécessairement pu exprimer leur avis sur le déclenchement d’une grève et même s’ils ne souhaitent pas appartenir au syndicat lui-même. La loi québécoise prive les employés de leurs droits au travail et à la dissidence. Aucun autre juridiction canadienne ne fait preuve d’une aussi grande inflexibilité.

En plus de renforcer le pouvoir syndical au détriment de l’économie, cette loi viole les libertés individuelles d’une façon que l’on peut qualifier d’inacceptable au XXIe siècle. L’appartenance forcée et le paiement obligatoire de cotisations syndicales constituent un abus des droits des employés qui se compare aux excès des «ateliers fermés» du Royaume-Uni des années 1970.

14 années de croissance

Le Québec aurait intérêt à étudier les réformes du droit du travail qui ont transformé l’économie britannique, en particulier le démantèlement systématique des bases du déséquilibre entre le pouvoir des syndicats et les travailleurs.

En 1979, Margaret Thatcher, première ministre nouvellement élue, héritait d’une économie en déclin caractérisée par une faible croissance, une inflation accélérée et un taux de chômage en hausse, situation désignée par le terme «stagflation». Les syndicats organisaient le travail de plus de la moitié de la main-d’oeuvre et négociaient les conditions de plus de 70% des travailleurs britanniques. Cinq millions d’employés travaillaient dans des «ateliers fermés», où l’adhésion à un syndicat était obligatoire.

Aujourd’hui, le paysage économique de la Grande-Bretagne est remarquablement différent après quatorze années de croissance ininterrompue et à un taux souvent plus élevé que la moyenne de l’OCDE. Le niveau de vie dépasse maintenant celui de la France et de l’Italie. À 5%, le taux de chômage est inférieur à ceux de la plupart des pays développés. En outre, près de 75% des personnes en âge de travailler ont un emploi.

Quelles politiques ont favorisé cette transformation historique? Ce succès est attribuable à une transformation progressive – étalée sur 18 ans – du droit du travail britannique. Voici les lois instaurées successivement pendant cette période:

  • Une première loi a rétréci le champ d’action des syndicats lors des conflits de travail. Elle exigeait la tenue d’un scrutin secret avant le déclenchement d’une grève et interdisait les actions «secondaires».
  • Une deuxième loi a permis de tenir les syndicats financièrement responsables des actes illégaux commis par leurs membres, dont les grèves non officielles et illégales.
  • Une troisième loi a rétréci le champ d’action des ateliers fermés, pour finalement les abolir en 1990. Les milieux de travail syndiqués ne peuvent plus refuser un emploi aux travailleurs non syndiqués.
  • Une quatrième loi a réformé et démocratisé les syndicats en exigeant la tenue d’un scrutin secret lors de l’élection des dirigeants syndicaux et en interdisant l’utilisation des cotisations syndicales à des fins d’action politique. Cette loi interdit aux syndicats d’expulser leurs membres qui choisissent de traverser les lignes de piquetage pour se rendre au travail.

Ces lois ont permis de réduire le pouvoir des syndicats. Mêmes si elles ont subi quelques changements sous le gouvernement de Tony Blair, elles demeurent essentiellement intactes.

Les effectifs syndicaux ont décliné, passant de 13 millions de membres (53% des employés) en 1979 à moins de 7 millions de membres (25%) à l’heure actuelle. Le nombre de conflits de travail a chuté de façon spectaculaire, passant de 2 000 (en 1979) à aussi peu que 116 (en 2005). Leur ampleur a également diminuée. Le nombre de jours ouvrables perdus en raison de grèves est très bas: à peine 157 000 l’an dernier, ce qui représente un contraste frappant si on le compare à la perte de 4,1 millions de jours ouvrables enregistrée par le Canada, qui compte sur une main-d’œuvre nettement moins nombreuse.

Margaret Thatcher a essuyé des critiques acerbes lors de l’instauration de ses réformes économiques et syndicales. La controverse s’est néanmoins dissipée et ses politiques révolutionnaires sont maintenant acceptées par tous les partis britanniques. Espérons qu’il en sera un jour de même au Québec.

Len Shackleton est doyen de la University of Westminster Business School et conférencier invité de l’Institut économique de Montréal le 26 septembre 2006.

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