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Textes d'opinion

Vive les congés!

S’il existe bien une constante chez les consommateurs, c’est celle de vouloir en avoir toujours pour son argent. Celui qui paie pour une leçon de ski d’une heure refuserait catégoriquement que le moniteur finisse au bout de 45 minutes. Par contre, il serait heureux si, pour le même montant, la leçon se prolongeait de quelques minutes. Qu’il s’agisse d’un repas au restaurant, d’une visite chez le dentiste ou d’une conférence, nous voulons toujours obtenir la totalité du bien ou du service pour lequel nous avons payé, et même davantage si possible.

Or, mon expérience en enseignement aussi bien au cégep qu’à l’université m’a permis de constater que, même si les étudiants payent pour assister à leurs cours, leur attitude est diamétralement opposée à celle des consommateurs. Quel que soit l’établissement qu’ils fréquentent, le programme qu’ils suivent ou leurs professeurs, ils sont toujours heureux qu’un cours finisse plus tôt ou, mieux encore, qu’il soit carrément annulé. Pourtant, ils ont payé pour que leurs professeurs leur transmettent des connaissances et fassent d’eux des individus instruits et à l’esprit critique aiguisé. Pourquoi gaspillent-ils donc l’éducation pour laquelle ils ont payé? De plus, ils sont nombreux à privilégier les cours les plus faciles, même s’ils coûtent le même prix que les cours plus exigeants. Pourquoi n’en veulent-ils pas pour leur argent?

À en juger par leur comportement, il semblerait que les étudiants valorisent peu l’éducation, même s’ils jugent important l’obtention d’un diplôme. Tout d’abord, dans le système d’éducation actuel, les échecs sont relativement rares. Les étudiants s’en aperçoivent rapidement au secondaire, puis constatent qu’il en est souvent de même au cégep et à l’université. L’étudiant n’a plus besoin d’être parmi les meilleurs pour réussir son cours, il doit simplement ne pas être parmi les plus faibles. Si la probabilité de décrocher un diplôme augmente, la présence aux cours devient un mal nécessaire, et il lui semble rationnel de réduire au minimum sa présence en classe.

Moins cher que le cinéma

De plus, les associations étudiantes véhiculent l’idée selon laquelle l’éducation est un droit et qu’il faut contrôler les frais de scolarité, voire même introduire la gratuité totale. Or, même si le principe est beau en théorie, en pratique il n’encourage pas l’étudiant à fournir des efforts. Dans l’éventualité où l’étudiant essuie un échec et qu’il doive reprendre le cours, il devra assumer un coût financier relativement minime, car c’est le contribuable qui finance l’essentiel de son éducation. Quand on sait qu’une heure passée dans une salle d’université coûte moins cher à l’étudiant qu’une heure dans une salle de cinéma, il ne faut pas se surprendre si certains étudiants se présentent en classe de manière sporadique.

Dans un système où il suffit à l’étudiant de suivre les consignes du syllabus pour réussir son cours, il est anormal que certains étudiants, que je qualifierais de «touristes», s’inscrivent au même cours pendant trois sessions consécutives.

On pourrait objecter que des frais de scolarité élevés rendraient l’éducation prohibitive pour les plus démunis, mais cela signifie-t-il que le contribuable doive financer les «touristes»? Ne serait-il pas suffisant de financer chaque cours une seule fois, et de laisser ensuite l’étudiant assumer l’entière responsabilité de son échec?

Les étudiants valorisent peu l’éducation parce qu’elle est bon marché et que les diplômes sont de plus en plus faciles à obtenir. Or, l’avenir d’une société passe essentiellement par l’éducation. Si notre système pense avantager les étudiants, il nuit assurément au Québec de demain. Pour prospérer et vraiment devenir un modèle, il est nécessaire de redonner à l’éducation sa vraie valeur.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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