Un exercice de relations publiques
Notre bon gouvernement joue encore au héros. Cette fois, c’est Mme Lise Thériault, ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, qui déclare son intention de lancer dès l’automne une consultation publique afin de doter le Québec d’une politique pour lutter contre la discrimination et le racisme, deux phénomènes particulièrement notables lors de la recherche d’un emploi ou d’un logement.
Que la discrimination et le racisme existent est incontestable. Qu’il serait souhaitable de voir les comportements changer va de soi. Mais l’action politique est-elle la meilleure solution?
La ministre Thériault annonçait fièrement que sa politique de lutte contre le racisme et la discrimination sera une première canadienne. Pourtant, la Charte des droits et libertés de la personne adoptée en 1975 interdit déjà la discrimination. En 1986, la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales condamnait sans réserve le racisme et la discrimination sous toutes ses formes. Puis, en 1990, un énoncé de politique de 112 pages intitulé Au Québec pour bâtir ensemble prétendait s’attaquer aux mêmes problèmes.
Deux constats s’imposent. Le premier est que l’initiative de la ministre Thériault n’a rien d’original. Le second est que les politiques gouvernementales sont manifestement impuissantes pour combattre les préjugés et la discrimination. Sinon, comment expliquer qu’on les observe encore malgré les efforts déployés par le passé?
Pour lutter efficacement contre la discrimination et le racisme, Mme Thériault devrait s’attaquer à la source du problème. Non seulement économiserait-elle des fonds publics en nous faisant grâce de consultations et de politiques stériles, mais elle pourrait surtout proposer des solutions efficaces.
L’emploi et le logement
Un propriétaire peut refuser de louer son logement à des immigrants, mais voit-on jamais un marchand refuser de leur vendre, par exemple, des meubles, une auto ou une maison? En fait, ce n’est pas un hasard si la discrimination est particulièrement présente sur les marchés du travail et du logement locatif.
Le Québec affiche un taux de chômage de 8% environ, le taux le plus élevé au Canada après les provinces atlantiques. Comme les travailleurs se disputent les emplois disponibles, il n’est pas surprenant que les employeurs sélectionnent les candidats en fonction de multiples critères y compris la race, la religion ou l’origine ethnique. Par contre, si le chômage était plus faible, les employeurs ne pourraient laisser leurs préjugés dicter leurs choix.
Le Québec vit également une pénurie de logements qui, bien qu’elle se résorbe graduellement, confère aux propriétaires la possibilité de trier sur le volet leurs futurs locataires. Toutefois, avec un taux d’inoccupation plus élevé, les propriétaires verraient leur pouvoir de sélection diminuer rapidement, ce qui ne pourrait qu’avantager les minorités.
Pour enrayer la discrimination et le racisme, les consultations publiques, les campagnes de sensibilisation, l’organisation de Journées internationales ou l’octroi du Prix québécois de la citoyenneté ne sont que de la poudre aux yeux, car aucune de ces actions ne s’attaque à la racine du problème, soient le manque d’emplois et de logements.
La ministre déclarait qu’il «est important de se poser la question de ce que le gouvernement doit faire». N’est-il pas évident qu’il devrait d’abord éliminer tous les obstacles à la création d’emplois et à la construction de logements locatifs? Employeurs et propriétaires seront manifestement beaucoup moins discriminants à mesure que les travailleurs et les locataires se feront rares.
Ce que propose la ministre Thériault est l’équivalent d’un coup d’épée dans l’eau, mais sa démarche constitue certainement un excellent exercice de relations publiques auprès des minorités, ce qui est probablement le véritable objectif de la manoeuvre.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.