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Textes d'opinion

Déréglementer le houblon

Les amateurs de bière ont droit tous les ans à un véritable poisson d’avril. Cette année ne fait pas exception: depuis le 1er avril dernier, les Québécois doivent payer leur boisson favorite 2,2% plus cher.

Avec une charge de 51% de taxes dans le prix au détail de la bière – comparativement à 19% aux États-Unis -, les consommateurs canadiens sont déjà parmi les plus taxés du monde. Au Québec, le gouvernement prend dans nos poches plus de 500 M$ chaque année uniquement en taxes sur la consommation de bière.

Comme si cela ne suffisait pas, il impose aussi un contrôle sur son prix. Pour inciter la population à boire de façon responsable, la Régie des alcools, des courses et des jeux fixe des prix planchers, qu’elle augmente régulièrement au fil des ans. Ainsi, les épiceries ne peuvent pas nous proposer de prix plus alléchants que ceux fixés par la Régie.

Cette volonté d’assurer une consommation responsable en augmentant artificiellement les prix est évidemment absurde. Comment peut-on prétendre que nous étions responsables en payant 10,72 $ (avant TPS et TVQ) pour une caisse de 12 bouteilles le 31 mars dernier, puis d’un coup, le 1er avril au matin, nous serions devenus irresponsables et devrions payer davantage (10,95$) pour la même caisse?

Bien que le prix plancher ne soit d’aucune utilité pour rendre la consommation plus responsable, il est devenu un point de discorde important entre les détaillants. Les dépanneurs et les détaillants indépendants y voient notamment un moyen de neutraliser la concurrence provenant des grandes surfaces.

Estimant le prix trop bas, ils demandent au gouvernement de l’augmenter davantage, même si cela nous obligerait à payer la bière encore plus cher. Ils disent être contraints de vendre à perte, ce qui ne serait pas le cas des grands détaillants. Bien que ces derniers ne réalisent pas toujours de profit, ils ont plus de marge de manoeuvre grâce notamment aux volumes plus importants de bière vendue et aux ristournes accordées par les brasseurs.

Or, d’une part, aucune loi n’empêche d’augmenter ses prix pour ne pas vendre à perte, et les petits détaillants peuvent le faire sans demander l’aide du gouvernement. D’autre part, plus votre volume de vente est important, moins il est coûteux pour les fournisseurs d’écouler leurs produits. Donc, rien d’étonnant que ceux-ci soient prêts à accorder des rabais plus élevés dans ce cas. Logiquement, les grands détaillants seront toujours plus susceptibles d’offrir des prix intéressants, et le gouvernement ne devrait pas empêcher les consommateurs de profiter de leurs économies d’échelle.

Cela signifie-t-il pour autant la fin de la vente de bière chez le dépanneur du coin? Absolument pas. Nous y avons tous acheté de la bière un jour ou l’autre. Aller au dépanneur du coin nous fait économiser du temps. Nous sommes donc prêt à payer un prix plus élevé pour y acheter de la bière.

Il y a indéniablement un créneau pour ce type de commerce parallèlement aux supermarchés. En Europe, les dépanneurs vendent souvent la bière bien plus cher que les grandes surfaces.

Pour toutes ces raisons Québec devrait déréglementer la vente de bière et laisser le marché fixer librement son prix.

Valentin Petkantchin est directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal.

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