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Textes d'opinion

Nous fûmes coureurs des bois!

L’histoire du Québec et du Canada est une longue suite d’interventions étatiques. Vrai? Non, faux! Contrairement à cette croyance répandue, c’est l’initiative privée et la liberté individuelle qui ont bâti ce pays, et, à bien des égards, même davantage qu’aux États-Unis! Pensez aux coureurs des bois qui allaient acheter aux Amérindiens des pelleteries pour l’Europe. Ou à Pierre-Esprit Radisson et à Médard Chouart des Groseilliers qui, devant les restrictions imposées au commerce en Nouvelle-France, s’allièrent à des marchands anglais et furent à l’origine de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Un siècle plus tard, ce sont des commerçants privés qui, à la recherche de profits et sans subvention étatique (contrairement au cas américain), explorèrent l’Ouest canadien.

Les élites essaient de nous faire croire que nos traditions sont plus étatistes que celles des Américains. Or, si cela est vrai, ce ne l’est que depuis les années 1960. Auparavant, nos gouvernements étaient moins portés à intervenir. Ils finissaient toutefois par suivre les modes américaines, avec quelques années de décalage.

Considérons ces exemples parmi d’autres:

  • • Le gouvernement fédéral américain a créé une banque centrale (la Réserve fédérale) en 1913. Au Canada, nous avons vécu sans banque centrale jusqu’en 1935.
  • • L’impôt fédéral sur le revenu a été créé en 1913 aux États-Unis, après des essais à partir des années 1860. Ici, il a fait son apparition en 1917.
  • • De même, c’est l’exemple américain qui inspira la politique nationale protectionniste de John A. Macdonald.
  • • C’est aux États-Unis que l’on a commencé à subventionner les canaux et la construction de chemins de fer.
  • • Le New Deal de Franklin D. Roosevelt, qui a enclenché une forte croissance de l’État fédéral américain, date de 1933. Au Canada, il a fallu attendre plusieurs années avant que certaines de ces politiques soient imitées.
  • • Jusqu’aux années 1960, les taux marginaux supérieurs de l’impôt sur le revenu furent plus élevés aux États-Unis qu’au Canada.

Pour d’autres exemples du genre, il faut lire le fascinant ouvrage de Bill Watson, Globalization and the Meaning of Canadian Life, paru en 1998.

L’identité fondamentale des Québécois, et j’entends par là celle qui les a définis pendant des siècles jusqu’à la Révolution tranquille, ne s’appuie pas sur des impôts élevés, la médecine socialisée ou la réglementation mur à mur. Il s’agit là de phénomènes très récents.

Le Québec fut l’un des derniers territoires en Amérique à céder devant les modes socialistes. Louis-Alexandre Taschereau, premier ministre libéral du Québec à l’époque du New Deal, considérait les politiques de Roosevelt comme socialistes, voire communistes. Ce n’est qu’à partir des années 1960 que les gouvernements du Canada sont allés plus vite et plus loin dans la surenchère des programmes bureaucratiques et de la lourdeur fiscale et réglementaire.

Au lieu de nous enorgueillir d’être devenus un peuple plus dépendant de l’État que nos voisins du sud, nous devrions nous réapproprier ces aspects oubliés de nos racines. Affirmer notre différence ne signifie pas devenir plus socialistes que les Américains mais, tout au contraire, retrouver notre sens de la liberté, de l’initiative privée et du commerce. Puissions-nous un jour redécouvrir que… nous fûmes coureurs des bois!

Michel Kelly-Gagnon est président de l’Institut économique de Montréal.

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