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Textes d'opinion

La sécurité d’emploi, ça vaut quelque chose!

Comme beaucoup de parents, j’ai poussé un soupir de soulagement lundi dernier lorsqu’on a annoncé un déblocage dans les négociations avec les enseignants. Mais le conflit entre le gouvernement Charest et les syndicats des 500 000 employés de l’État est loin d’être réglé et beaucoup de questions restent en suspens.

Certes, personne ne peut reprocher aux employés des secteurs public et parapublic de vouloir améliorer leur sort. Tous les travailleurs ne rêvent-ils pas de voir leur salaire augmenter, et leurs conditions de travail s’améliorer? Personnellement, j’aimerais doubler mon revenu, mesurer 5’10’’, et avoir une ligne directe avec le pape. Certaines ambitions sont raisonnables alors que d’autres sont frivoles.

Quand j’étais étudiante, j’ai travaillé comme vendeuse dans une boutique. Comme je me suis rapidement aperçue que le salaire offert par un compétiteur était plus avantageux, j’ai démissionné pour aller travailler ailleurs. Dans le débat actuel avec le gouvernement Charest, les syndicats déplorent les conditions de travail des employés de l’État. Si l’ensemble de leurs conditions de travail laisse tant à désirer, si le secteur privé offre effectivement mieux, pourquoi les employés de l’État ne quittent-ils pas leur employeur actuel pour offrir leurs services à des compagnies privées?

Pour retenir ses employés, le gouvernement Charest se verrait alors contraint d’augmenter les salaires et d’offrir de meilleures conditions de travail. Le nivellement vers le haut se ferait sans affrontements, sans grève, sans prendre la population en otage, et sans mettre en péril l’année scolaire de nos enfants.

Mais les employés de l’État ne sont généralement pas disposés à quitter leur poste, même s’ils en trouvent un aussi bien rémunéré dans le secteur privé. Pourquoi? Parce qu’il jouissent d’un avantage qu’ils sont pratiquement seuls à avoir: la sécurité d’emploi! Entre autres avantages, la sécurité d’emploi garantit aux travailleurs (1) de ne pas être congédiés par manque de travail, (2) de conserver leur traitement si leur poste est aboli et (3) d’avoir la priorité sur les postes vacants.

La Rolls Royce

La sécurité d’emploi est la Rolls Royce des conditions de travail. Ce luxe ne vaut-il pas quelque chose? Faisons un parallèle. En tant qu’épargnant, nous savons que les placements sûrs offrent toujours un rendement inférieur à celui des placements risqués. Il ne viendrait à l’idée de personne d’exiger de sa banque un rendement élevé pour un titre non risqué. Pourtant, quand les syndicats réclament à la fois la sécurité d’emploi et des salaires élevés, c’est exactement comme si un épargnant demandait à sa banque d’offrir le rendement le plus élevé pour un placement garanti.

La sécurité d’emploi permet aux employés de l’État de dormir en toute quiétude parce qu’ils savent qu’ils pourront payer leurs factures quoi qu’il arrive, même si une récession sévère devait frapper le Québec. Bien peu d’entre nous peuvent en espérer autant. La sécurité d’emploi, c’est la tranquillité d’esprit. La majorité des travailleurs renoncerait volontiers à quelques dollars de leur paie pour vivre avec la sérénité d’un esprit en paix.

Que les employés de l’État fassent partie des privilégiés qui possèdent la sécurité d’emploi, tant mieux pour eux! Mais leurs syndicats sont-ils incapables de reconnaître que cela a une valeur et, partant, faire preuve de réalisme dans leurs revendications?

Il est incontestable que les employés de l’État doivent obtenir une rémunération juste pour leur travail, et les syndicats doivent oeuvrer en ce sens. Mais la rémunération va au-delà du montant inscrit sur le T4. La sécurité d’emploi … cela fait aussi partie de la paie!

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal.

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