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Textes d'opinion

Pourquoi la forte présence syndicale peut nuire au Québec

Parmi les dix provinces canadiennes et les 50 États américains, le Québec est la région qui affiche le plus haut taux de syndicalisation, soit 40% en 2004. La moyenne des provinces canadiennes est de 31,8% et celle des États américains de 13,8%.

Nos lois du travail se distinguent à certains égards de celles des autres régions nord-américaines. Par exemple, le Québec est l’une des cinq provinces canadiennes où un syndicat peut être accrédité sans la tenue d’un vote secret s’il recueille la signature de plus de 50% des employés. L’employeur n’a pas le droit d’intervenir pour contester la représentativité du syndicat, ce qui n’est pas le cas dans la majorité des autres provinces ni aux États-Unis.

Le Québec et la Colombie-Britannique sont les deux seules provinces où la loi interdit à l’employeur de remplacer les salariés en grève par du personnel temporaire (des «scabs»), une mesure qui n’existe dans aucun des États américains. Les syndiqués au Québec, comme dans les autres provinces à l’exclusion de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, peuvent protester sur des sites autres que le lieu touché par la grève.

Au pays, une convention collective peut imposer la syndicalisation à tous les membres de l’unité d’accréditation (clause d’atelier fermé), qui, de toute manière, sont obligés de payer la cotisation syndicale (formule Rand).

Quels sont les effets économiques d’une plus grande présence syndicale? Les études confirment généralement que les travailleurs syndiqués obtiennent des salaires plus élevés que les non syndiqués, soit 15% en moyenne au Canada. Ceci s’accompagne toutefois d’effets défavorables sur l’emploi. La main-d’oeuvre coûtant plus cher, les entreprises en utiliseront moins et y substitueront, dans la mesure du possible, du capital.

Au Canada, de 1980 à 1985, la croissance de l’emploi dans les entreprises syndiquées a été inférieure d’environ 3,9 % à celle des entreprises non syndiquées, et ce après avoir tenu compte des effets associés à l’industrie, la taille et l’âge de la firme. Les syndicats en Australie ralentiraient la croissance de l’emploi de 2,5 points de pourcentage par année.

Bref, les travailleurs syndiqués obtiennent des salaires plus élevés au détriment de ceux qui sont poussés au chômage. Une partie des chômeurs se retrouvent dans les marchés non syndiqués, ce qui augmente le nombre de travailleurs dans ces secteurs et a pour effet de déprimer les salaires. Les syndicats redistribuent donc le revenu en faveur de leurs membres au détriment des chômeurs mais aussi des travailleurs non syndiqués.

Malgré les progrès récents, le Québec connaît le taux de chômage le plus élevé en Amérique du Nord si l’on exclut les provinces atlantiques. La durée moyenne du chômage est aussi la plus élevée.

Dans la mesure où les entreprises craignent que les syndicats ne s’approprient les profits futurs générés par l’investissement, elles seront moins incitées à investir. L’investissement est le moteur de la croissance économique. S’il y a moins d’investissement, il y a moins d’innovation, moins de production, il y a également moins d’emplois et de revenus générés et donc moins de prospérité.

Au cours des 20 dernières années, la croissance du PIB au Québec n’a été en moyenne que de 3% par an comparativement à 3,9% pour l’ensemble du Canada. La forte syndicalisation n’est probablement pas la seule responsable de cette performance, mais elle n’y est sûrement pas étrangère.

Toute rigidité du marché du travail peut entraîner des effets négatifs sur l’emploi. Dans la mesure où les syndicats disposent de privilèges et s’en servent soit pour fixer les salaires au-dessus de ce qu’ils auraient été en leur absence, soit pour imposer des contraintes qui menacent la rentabilité et la viabilité des entreprises, ils nuisent donc à l’emploi et à la prospérité générale.

À l’opposé, des relations de travail plus flexibles créent un environnement propice à un plus grand dynamisme économique. Les travailleurs en profitent en trouvant plus facilement un emploi, mais également en recevant de bons salaires en fonction de leurs qualifications et de leur productivité plutôt que de leur appartenance syndicale.

FIGURE 1
TAUX DE SYNDICALISATION ET DE CHÔMAGE DANS LES PROVINCES CANADIENNES ET LES ÉTATS AMÉRICAINS, MOYENNE 1999-2003

SOURCES: Statistique Canada, Enquête sur la population active, et Bureau of Labor Statistics.

Norma Kozhaya est économiste à l’Institut économique de Montréal.

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