Le temps d’agir! Pas besoin de délai ni de clause nonobstant
Selon le jugement majoritaire de la Cour suprême, il est faux de prétendre que le jugement Chaoulli a sonné le glas du système public. D’ailleurs, d’entrée de jeu, la Cour a affirmé que personne ne conteste le besoin de préserver un système de santé public solide. Elle a conclu que le système public d’assurance santé ne serait pas mis en péril par l’abolition de monopole étatique dont il bénéficie. Maintes démocraties occidentales qui n’imposent pas un monopole en matière de prestation de soins de santé réussissent à fournir à leurs citoyens des services médicaux meilleurs et à prix plus abordable que ceux actuellement offerts au Canada. Cela démontre qu’un monopole n’est pas nécessairement ni même lié à la prestation de soins de santé publics de qualité.
De plus, la juge Marie Deschamps décrit toutes les présumées, «menaces» au système de santé public (drainage des médecins vers le privé, l’appât du profit diminuerait la qualité des soins, érosion du support populaire au système public, les assureurs refuseraient les patients les plus lourds et laisseraient au public les cas les plus graves, les médecins provoqueraient une augmentation des listes d’attente dans les secteur public pour orienter les patients vers le privé et réfute ces arguments comme n’étant fondés sur aucune analyse sérieuse.
La juge note d’ailleurs que le secteur public de la Saskatchewan, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador, provinces qui se montrent ouvertes au secteur privé, n’est pas menacé par le système privé. Et dans les pays de l’OCDE qui ont un système parallèle public-privé, la part du privé demeure relativement petite. Au Royaume-Uni par exemple, malgré l’existence d’un secteur privé parallèle, seulement 11,5% de la population souscrit à une assurance privée. En Allemagne, seulement 9% de la population est couverte exclusivement par une assurance privée. De toute façon, la Loi sur l’assurance maladie du Québec contient des dispositions claires permettant un ministre de la Santé québécois de s’assurer que le régime public ne soit pas mis en péril par la décision d’un trop grand nombre de médecins d’opter pour le régime privé.
Plutôt que de gaspiller temps et énergie à se battre contre le jugement en demandant des délais ou, pire encore, l’invalidation des droits individuels si chèrement gagnés pour tous les Québécois par le Dr Chaoulli en invoquant la clause dérogatoire, le gouvernement devrait respecter la décision de la Cour à l’effet que la prohibition d’acheter de l‘assurance privée compromet arbitrairement la vie, la liberté et la sécurité des Canadiens et que cette prohibition n’est pas acceptable dans le cadre d’une société libre et démocratique. Le gouvernement Charest et le ministre Couillard devraient plutôt s’affairer immédiatement à mettre rapidement en place un cadre juridique approprié pour respecter les droits des Québécois à un système parallèle privé.
Adrien D. Pouliot est président du conseil de l’Institut économique de Montréal.