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Textes d'opinion

La taxe sur le capital coûte 7 milliards $ à l’économie québécoise

Le niveau d’investissement en capital par travailleur était inférieur de 38 % à la moyenne nord-américaine au Québec en 2004. Cette performance déplorable est le résultat de plusieurs facteurs mais la taxe sur le capital y contribue de façon certaine.

Le Canada est l’un des rares pays dans le monde où le capital des entreprises est assujetti à une telle taxe. Au niveau fédéral, elle frappe toutes les grandes sociétés et, à des taux plus élevés, les grandes institutions financières. Toutes les administrations provinciales, à part celle de l’Alberta, lèvent aussi un impôt sur le capital des institutions financières, et six d’entre elles, dont le Québec, imposent également le capital des autres sociétés de moyenne ou grande taille.

Le principal désavantage de la taxe sur le capital est qu’elle décourage l’investissement puisqu’elle augmente le prix du capital. Cette taxe se distingue d’ailleurs d’un impôt sur le revenu en frappant le capital d’une entreprise même quand son rendement est nul ou négatif, donc même en cas de pertes. Le niveau d’investissement réduit qui en résulte implique moins d’innovation, moins de croissance économique et moins de revenus et de consommation.

Cette taxe nuit également à la compétitivité internationale du Canada et à sa capacité d’attirer des investissements dans un contexte de mondialisation et de relocalisation des entreprises. Ses effets sont d’autant plus graves que le Canada compte parmi les pays où les revenus du capital sont les plus lourdement imposés.

Même si la taxe s’applique en théorie à l’entreprise, ce sont finalement, comme dans le cas de tout impôt, des individus qui la paient, qu’il s’agisse des actionnaires (en rendements réduits sur le capital), des consommateurs (en prix plus élevés) ou des employés (en rémunérations diminuées).

Les études sur le sujet suggèrent d’ailleurs que, dans une petite économie ouverte, les impôts formellement levés auprès des entreprises retombent, au moins en partie, sur les travailleurs, puisque le travail est le facteur de production le moins mobile. En effet, les investisseurs, qui ont accès aux marchés internationaux des capitaux, ne se satisferont pas d’un rendement sur le capital qui serait moins attrayant au pays et choisiront plutôt d’investir ailleurs. La main-d’œuvre étant devenue relativement moins productive à cause de cette contribution réduite du capital (c’est-à-dire des machines, de la technologie, etc.), sa rémunération sera plus faible qu’elle n’aurait été autrement.

Les bienfaits économiques d’une élimination de cette taxe sont tellement évidents que le gouvernement fédéral la réduit progressivement depuis quelques années et prévoit la supprimer complètement en 2008.

Pour le Québec, il a été estimé que l’élimination de la taxe sur le capital entraînerait une augmentation du stock de capital d’au moins 7 milliards de dollars selon des hypothèses conservatrices (soit 3 % des 215 milliards de dollars comptabilisés en 2003). Ceci augmenterait donc proportionnellement les possibilités de production, d’emploi et de génération de revenus.

L’ancienne ministre des Finances Pauline Marois avait dévoilé en 2001 un plan de réduction de la taxe provinciale sur le capital, prévoyant réduire le taux général de moitié d’ici 2007. En mars 2003, un document du Parti libéral du Québec allait plus loin en proposant de l’éliminer sur le capital des PME au cours d’un premier mandat.

Or, dans son premier budget de juin 2003, le nouveau gouvernement libéral décidait de reporter à plus tard la réduction prévue des taux, tout en faisant passer l’exemption de base à 600 000 dollars en 2004 et à 1 million en 2005 pour remplir sa promesse d’exempter les PME. Ce seuil fait toutefois en sorte que beaucoup de PME sont toujours soumises à la taxe.

Dans une entrevue au journal Les Affaires en janvier, soit avant le remaniement ministériel, le ministre Michel Audet disait souhaiter qu’on accélère l’élimination de la taxe, et qu’elle soit abolie pour toutes les entreprises d’ici 2008. Si une telle mesure devait être annoncée dans son prochain budget, il s’agirait sans conteste d’une excellente nouvelle pour l’économie du Québec.

Norma Kozhaya est économiste à l’IEDM et auteur de la Note économique Les coûts économiques de la taxe sur le capital.

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