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Textes d'opinion

Prix du lait – Pourquoi payons-nous toujours plus cher?

Le prix du lait «à la ferme» a augmenté de 7,8% le 1er février dernier, soit bien plus que l’inflation. Suite à cette augmentation décrétée par la Commission canadienne du lait, plusieurs industries utilisatrices de lait doivent débourser davantage et les consommateurs en sentiront bientôt les effets sur leur portefeuille lorsqu’ils iront à l’épicerie. Pourquoi devons-nous payer toujours plus pour les produits laitiers?

Ces augmentations sont fréquentes et les véritables causes se trouvent dans le système de gestion de l’offre, qui régit ce secteur de production agricole depuis 1966 au Canada. Cette politique repose sur deux types majeurs d’interventions de l’État dans le marché. D’une part, elle implique la mise en place d’une planification et d’un contrôle administratif sur les prix, la commercialisation et les quantités offertes, notamment à travers l’imposition de quotas. D’autre part, elle repose sur l’existence de tarifs douaniers suffisamment élevés – entre 200% et 300% – pour empêcher l’entrée des produits étrangers.

Quotas

Les quotas correspondent au droit de vendre une certaine quantité de lait aux prix administrativement fixés. Distribués gratuitement à l’origine, mais échangés ensuite sur des «bourses centralisées», ils sont devenus de plus en plus coûteux. En 2004, il fallait, environ 27 000 $ pour exploiter une vache et en vendre le lait au Québec. En 2003, selon Statistique Canada, les quotas ont représenté en moyenne près de 1,1 millions de $ par ferme laitière. Pour lancer une ferme, il faut paradoxalement débourser pratiquement autant pour obtenir les quotas que pour les actifs réellement indispensables comme les animaux, les terres et les bâtiments, les machines ou le matériel agricole. À l’évidence, les quotas sont devenus une barrière à l’entrée pour ceux qui voudraient se lancer dans la production laitière.

Le coût de la gestion de l’offre se reflète surtout dans les prix à la sortie de la ferme. Selon les estimations de l’OCDE, les prix canadiens ont été entre deux à trois fois plus élevés depuis 1986 que les prix mondiaux. Ces coûts se trouvent bien sûr répercutés dans les prix de détail payés par les consommateurs. Ceux-ci incluent en réalité une «taxe» implicite que les agriculteurs sont en mesure de prélever sur les consommateurs, qui n’ont pas le choix et qui constituent donc une clientèle captive.

Coutêux

Selon l’OCDE, ce soutien aux producteurs canadiens de lait s’élèverait à 2,7 milliards de dollars en 2003, soit à plus de 60% de la valeur de la production totale de lait cette même année. Cela a sans doute contribué (en parallèle avec un changement des habitudes alimentaires au profit d’autres boissons que le lait) à une baisse de la consommation de lait par personne au Canada entre 1986 et 2003 de près de 15%.

Le système de gestion de l’offre est non seulement coûteux pour les consommateurs, il est aussi source de conflits avec nos partenaires commerciaux. Le Canada a déjà été condamné par l’Organisation mondiale du commerce suite à des recours de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis pour ses pratiques de fixation des prix dans la filière laitière, jugées équivalentes à des subventions à l’exportation.

En définitive, la gestion de l’offre finit par pénaliser aussi les producteurs eux-mêmes qui n’ont plus le contrôle sur leurs prix, les quantités qu’ils produisent et qui sont forcés de payer cher des actifs improductifs comme les quotas s’ils veulent augmenter leur production. Il est temps que le Canada remette en question ce système et revienne à un marché agricole qui permettrait aux agriculteurs de conduire leurs affaires comme ils l’entendent, et aux consommateurs d’avoir un véritable choix entre des produits concurrents.

Valentin Petkantchin est directeur de la recherche à l’IEDM et auteur de la Note économique intitulée Production laitière: les coûts de la gestion de l’offre au Canada.

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