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Textes d'opinion

Pour un véritable libre-échange interprovincial au Canada

L’entrée en vigueur des accords commerciaux nord-américains a dopé nos exportations au sud du 45e parallèle. Malgré quelques conflits sporadiques comme celui sur le bois d’oeuvre, le marché américain est plus que jamais à la portée de tous.

Pendant que les échanges transfrontaliers s’intensifient, le commerce interprovincial souffre d’une certaine stagnation. En effet, les échanges interprovinciaux n’ont augmenté en moyenne que de 4,7% par année de 1992 à 1998, alors que les exportations internationales connaissaient, elles, une hausse beaucoup plus vigoureuse de 11,9%. Les ventes du Canada sur les marchés étrangers, qui représentaient 26% du PIB en 1992, sont passées à 40% en 1998, pendant que le poids du commerce interprovincial plafonnait autour de 20% du PIB.

Les barrières au commerce interprovincial ne sont sans doute pas étrangères à ce déplacement. En effet, le marché intérieur canadien connaît toujours des entraves qui n’ont pas leur raison d’être dans une fédération.

Comme pays, le Canada ne possède en effet pas de règles commerciales internes ayant force exécutoire. Les gouvernements provinciaux n’hésitent pas à utiliser leur pouvoir de protéger les intérêts locaux et de limiter les échanges au moyen de lois et de règlements multiples. Aucun mécanisme ne garantit le fonctionnement efficace du marché canadien, malgré l’entrée en vigueur, il y a déjà plus de six ans, d’un Accord sur le commerce intérieur.

Cet accord comprenait un ensemble de règles abolissant la discrimination sur une base géographique ainsi que toute entrave au commerce non nécessaire à l ’atteinte d’un objectif «légitime» (par exemple, la sécurité et la santé du public, la protection de l’environnement et des consommateurs, etc. Un Comité ministériel et un Secrétariat ont été créés afin de rendre l’Accord opérationnel et de mettre en place un processus de règlement des litiges.

Depuis son entrée en vigueur, l’Accord est toutefois resté lettre morte. Il échoue à maints égards à remplir son rôle et les gouvernements ne s’en servent pas pour coordonner leurs efforts. De nombreux secteurs de l’économie canadienne continuent donc de fonctionner comme si chaque province constituait un pays avec ses propres politiques protectionnistes. Nous sommes loin d’une fédération assurant la libre circulation des produits et des personnes. En voici quelques exemples frappants:

  • il existe trois barrières spécifiques dans l’industrie laitière, et aucune d’entre elles n’est nécessaire à la protection des consommateurs ni à la santé et la sécurité du public: interdiction de vendre de la margarine colorée au Québec; interdiction de produire et de vendre en Ontario des substituts faits d’un mélange d’huile végétale et de produit laitier; et enfin, réglementation de la distribution des produits laitiers liquides en Ontario, au Québec et dans les provinces atlantiques;
  • la mobilité de la main-d’oeuvre demeure restreinte dans plusieurs domaines où l’on exige une certification ou des critères de résidence. C’est le cas pour les différentes types de comptables (CA, CGA et CMA) qui n’ont pas la même liberté d’exercer dans toutes les provinces même s’ils ont une formation similaire et respectent les mêmes standards reconnus internationalement pour vérifier les états financiers;
  • dans le secteur de la construction, la réglementation imposée par le Québec depuis les années 1970 a eu pour effet d’interdire le marché québécois aux entrepreneurs et travailleurs des provinces voisines du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario;
  • aux chapitres de l’enregistrement des sociétés et de l’énergie, l’Accord sur le commerce intérieur contenait des engagements qui ne se sont toujours pas réalisés;
  • sur le plan des appels d’offres pour les achats gouvernementaux, un système électronique unifié a été mis en place, mais il contient une longue liste d’ exceptions, dont Hydro-Québec, la Société des alcools et les contrats de services et de construction d’une valeur de moins de 100 000 $.

Et a liste pourrait encore s’allonger…

Même si le Québec et le reste du Canada exportent davantage vers les marchés américain, notre force n’en réside pas moins dans la stabilité et l’ouverture de notre marché intérieur. Si le marché canadien s’effrite ou nuit à la productivité, notre compétitivité sur les marchés étrangers finira, elle aussi, par diminuer.

À une époque où croissent les échanges internationaux, il devient impératif que nos gouvernements coopèrent pour renforcer l’union économique canadienne et faire disparaître les derniers obstacles au commerce intérieur. Pour cela, nous avons besoin d’un Accord sur le commerce intérieur qui fonctionne vraiment.

 

Michel Kelly-Gagnon est président de l’IEDM.

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