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Textes d'opinion

Opinions: Bois d’oeuvre – Le protectionnisme américain, une politique à courte vue

Au lendemain de la rencontre spéciale fédérale-provinciale des ministres responsables des Forêts, où les provinces et le gouvernement fédéral ont rejeté la proposition des États-Unis dans le litige portant sur le bois d’oeuvre, il est utile de prendre un peu de recul pour analyser l’impact des droits que les autorités américaines ont imposés depuis le mois d’avril aux producteurs canadiens.

À court terme, ces mesures protectionnistes provoqueront une hausse du prix du bois d’oeuvre aux États-Unis. Même si quelques centaines de milliers d’individus liés à l’industrie américaine du bois d’oeuvre bénéficient de cette situation, plusieurs dizaines de millions de consommateurs seront au contraire pénalisés. En bout de ligne, les pertes subies par les consommateurs seront beaucoup plus importantes que les gains réalisés par les producteurs de bois d’oeuvre.

Les répercussions négatives de ces tarifs affectent principalement l’industrie américaine de la construction et les acheteurs de maisons neuves dont le prix moyen va augmenter au minimum de plusieurs centaines de dollars.

On estime de façon conservatrice que le nombre de nouvelles mises en chantier américaines dans le domaine de la construction résidentielle va chuter d’au moins 72 000 unités annuellement et que plus de 220 000 premiers acheteurs n’auront plus les moyens d’acquérir une maison. Les coûts plus élevés du bois d’oeuvre se traduiront également par une baisse du pouvoir d’achat des consommateurs pour d’autres biens et services.

Pourquoi les politiciens et bureaucrates américains adoptent-ils des mesures qui appauvrissent délibérément des millions de leurs concitoyens?

Ne serait-il pas plus simple d’augmenter les taxes de tous les consommateurs et de redistribuer cet argent dans les poches de l’industrie américaine du bois d’oeuvre? Poser la question, c’est y répondre. Les dirigeants américains savent très bien que leurs contribuables ne toléreraient pas de telles mesures. Il est donc beaucoup plus facile pour les producteurs américains d’invoquer la justice et l’équité contre leurs concurrents canadiens.

Si les mesures protectionnistes sur le bois d’oeuvre peuvent sembler bénéfiques pour l’industrie américaine du bois d’oeuvre à court terme, elles sont un cadeau empoisonné à moyen et long terme. En maintenant le prix du bois d’oeuvre artificiellement élevé, les tarifs et droits compensatoires ne font qu’accélérer la substitution des poutres et madriers de bois par des composantes d’acier, une tendance que l’on observe depuis quelques années dans l’industrie américaine de la construction.

La substitution du bois par l’acier est peu rentable lorsque le prix du bois n’est pas gonflé artificiellement par des mesures protectionnistes. Les tarifs et les droits sur les exportations canadiennes changent toutefois la situation au profit de l’acier, un processus qu’il sera difficile d’inverser une fois que cette technologie sera bien établie.

Moins de bois

Les faits parlent d’eux-mêmes. La quantité moyenne de bois d’oeuvre par pied carré dans la construction résidentielle américaine a diminué de 7,9 pieds-planche en 1988 à 6,4 pieds-planche en 1994. Si les constructeurs résidentiels n’avaient pas adopté l’usage d’autres matériaux, la quantité de bois d’oeuvre utilisée par maison aurait été de près de 15 000 pieds-planche par résidence au lieu des 13 400 pieds-planche que l’on a observés.

À moins que les producteurs américains de bois d’oeuvre ne deviennent des abonnés permanents des subsides gouvernementaux, les mesures protectionnistes contre le bois d’oeuvre canadien ne font que retarder un lendemain de veille qui sera particulièrement douloureux. En bref, ces mesures protectionnistes sont défavorables tant pour l’économie américaine que pour l’économie canadienne. Il ne s’agit pas d’une bataille entre intérêts américains et canadiens, mais bien entre des intérêts particuliers et l’intérêt général.

 

Michel Kelly-Gagnon est président de l’IEDM, Brian Lee Crowley est président de l’Atlantic Institute for Market Studies (Halifax), Peter Holle est président du Frontier Center for Public Policy (Winnipeg).

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