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Textes d'opinion

Lorsque le gouvernement limite la liberté de choix des épargnants

Les Québécois et les Canadiens mettent de plus en plus de leurs économies dans les Régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER). La croissance de ces fonds privés de retraite est phénoménale. Entre 1979 et 1996, l’augmentation a été de plus de 253 p. cent! Actuellement, le gouvernement oblige les épargnants à ne pas avoir plus de 20 p. cent de leurs économies en titres étrangers (i.e. non-canadiens) pour l’ensemble de leur portefeuille REER. Et si vous ne respectez pas cette règle, Revenu Canada taxera le pourcentage excédentaire.

Une récente étude de Jason Clemens conduite pour le compte de l’Institut Fraser démontre bien les effets pervers d’une telle règle. Une telle restriction a pour principal résultat d’augmenter les risques en concentrant vos capitaux dans un seul marché, tout en diminuant les rendements. Tous les conseillers financiers vous le diront, le secret d’un bon portefeuille pour la retraite passe par la diversification de vos actifs. Or, le gouvernement canadien vous oblige à détenir plus de 80 p. cent de vos avoirs dans un marché qui représente moins de 1 p. cent des fonds mondiaux.

De plus, ce système condamne l’épargnant à un rendement significativement moins élevé que s’il avait été libre d’investir à travers le monde sans restriction. L’étude de Clemens démontre qu’un jeune de 25 ans qui commence à économiser aujourd’hui par le biais d’un REER, pourrait encourir un rendement inférieur de plus de un demi millions de dollars d’ici sa retraite.

Pourtant, le Conference Board du Canada estime que la limite du 20 p. cent en fonds étrangers n’affectait que 30,3 p. cent de l’ensemble des épargnes des Canadiens en 1996. (Maximizing Choice: Economic Impact of Increasing the Foreign Property Limit, p. 2)

Le REER n’est donc pas l’abri fiscal privilégié par les plus riches et les mieux nantis. Au contraire, en raison des limites imposés au montant des cotisations, ce sont généralement les contribuables qui gagnent moins de 75 000$ par année qui les utilisent en vue de leur retraite.

Pourquoi donc imposer une telle limite aussi coûteuse alors? Les concepteurs de cette restriction prétendent que cela contribue à pourvoir notre marché local avec davantage d’investissements. Si on abolissait cette restriction, un exode de nos épargnes aurait lieu au profit des marchés étrangers, affirment-ils.

Cependant, la réalité semble suggérer que tel n’est pas le cas et peut-être même qu’au contraire ces barrières à la liberté des cotisants pourraient même produire l’effet inverse de celui recherché. À la fin de l’année 1998, 25,6 p. cent de tout l’argent investi dans des fonds mutuels l’était dans des compagnies canadiennes. De ce pourcentage, la très grande majorité était en fait investie dans les très grandes entreprises canadiennes dont la réputation n’est plus à faire. Les PME ne bénéficient pas, en clair, de cette restriction d’investir à l’étranger.

Même en éliminant la règle du 20 p. cent, les épargnants de chez nous continueraient d’investir leurs fonds en grande partie ici parce que c’est le marché et les entreprises qu’ils connaissent le mieux. C’est que les économistes appellent le «home bias». Nous avons une préférence naturelle à investir dans les entreprises que nous connaissons le mieux parce que nous avons davantage confiance.

Il faut sérieusement envisager une réforme de cette règle du 20% car le système actuel semble signifier, concrètement: moins d’épargne, moins de retour sur l’investissement et ainsi moins de revenu à la retraite. Cette réforme est d’autant plus nécessaire étant donné que les différents paliers de gouvernements ne seront pas en mesure de prendre en charge les besoins financiers des centaines de milliers de retraités que l’inversion de la pyramide d’âge va générer.

 

Michel Kelly-Gagnon est président de l’IEDM.

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