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Fiscalité – Notre régime coûte cher aux Canadiens les plus pauvres

La saison des impôts bat son plein et des millions de Canadiens recueillent en ce moment tous les papiers nécessaires aux fins de leur déclaration de revenus.

Plusieurs d’entre eux vont consacrer temps et argent à cette opération souvent fastidieuse, mais au moins ils en ont les moyens. Malheureusement, faute de ressources ou par manque de connaissances, beaucoup d’autres concitoyens ne rempliront pas leur déclaration ou oublieront de réclamer des sommes qui leur reviennent de plein droit.

Prospérité Canada, un organisme qui cherche à améliorer la situation des Canadiens vivant dans la pauvreté, évalue ainsi à 1,4 milliard de dollars les prestations et remboursements non réclamés par nos concitoyens, souvent les plus vulnérables. Par exemple, plus de 60 % des Canadiens admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées n’en font pas la demande, soit plus de 1 million de personnes. Ou encore, environ 240 000 Canadiens aux revenus modestes qui sont admissibles à l’allocation canadienne pour les travailleurs ne la reçoivent pas, puisqu’ils n’en font pas la demande, selon la propre évaluation du ministère des Finances.

À elle seule, cette mesure représentait plus de 175 millions non réclamés en 2014.

Un autre programme sous-utilisé par des familles qui en ont bien besoin est le Bon d’études canadien. Pour les ménages à faible revenu (47 630 $ et moins), le gouvernement fédéral verse 500 $ dès l’ouverture d’un compte dans un régime enregistré d’épargne-études (REEE), sans qu’il soit nécessaire d’y déposer de l’argent. Sur une période de 15 ans, Ottawa peut ajouter jusqu’à 2000 $ par enfant. Pourtant, en 2016, quelque 1,8 million d’enfants canadiens admissibles n’en profitaient toujours pas.

Une loi qui grossit, grossit…

Plusieurs facteurs expliquent cela. Évidemment, le manque de littératie financière ou de littératie tout court a bien sûr un impact. Un manque de connaissances informatiques ou d’accès à des ressources comptables joue également un rôle. La cause prépondérante demeure la complexité ahurissante et grandissante de notre régime fiscal.

Lors de son adoption en 1917, la Loi de l’impôt comptait 4000 mots. Aujourd’hui, elle comprend 1,1 million de mots, soit 275 fois plus. La tendance à la hausse est frappante : depuis 2005 seulement, la loi s’est allongée de plus d’un tiers. Et sur une période de 25 ans, entre 1991 et 2015, le nombre d’exemptions et de remboursements relatifs à l’impôt des particuliers a augmenté de presque 40 %, pour atteindre une valeur de plus de 84 milliards de dollars.

En somme, la Loi de l’impôt est un monstre que le gouvernement nourrit et qui continue de grossir, encore et encore.

Même les comptables s’entendent très majoritairement pour dire que le système actuel de crédits et de déductions fiscales est trop complexe : plus des deux tiers d’entre eux étaient de cet avis, selon un sondage réalisé il y a deux ans.

Le gouvernement canadien met à la disposition des contribuables différents outils pour les aider à remplir leur déclaration de revenus et identifier des programmes ou subventions auxquels ils ont droit. Des organismes à but non lucratif et des ordres professionnels de comptables offrent également de l’aide sous une forme ou une autre. Toutes ces actions ont de la valeur, mais leur efficacité a manifestement des limites.

La meilleure façon de s’assurer que chacun reçoit bel et bien les sommes auxquelles il a droit est de simplifier notre système fiscal. Plutôt que de privilégier le régime actuel de crédits et d’exemptions, qui demeurent obscurs pour plusieurs de nos concitoyens, il serait bien plus efficient de les remplacer par une baisse correspondante des taux d’imposition, ou encore par une augmentation équivalente du seuil d’exemption.

En somme, en plus de présenter des coûts importants pour l’ensemble des contribuables, la complexité du régime fiscal canadien affecte de façon disproportionnée les plus vulnérables d’entre nous. Au lieu d’entretenir de la main droite un régime coûteux et inéquitable qui se complexifie d’année en année, et de dépenser de la main gauche des ressources importantes pour aider le contribuable à s’y retrouver, le gouvernement serait mieux avisé de simplifier la Loi de l’impôt sur le revenu, au bénéfice de tous les Canadiens.

Luc Vallée is Chief Operating Officer & Chief Economist at the MEI and the author of “When Taxpayers Don’t Get What They Are Due.” The views reflected in this op-ed are his own.

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