Électricité – Les producteurs indépendants doivent jouer un plus grand rôle
Il n’y a pas si longtemps, le Québec avait tellement d’électricité qu’on ne savait plus quoi en faire. Cette période est aujourd’hui derrière nous.
Cela fait déjà plus de deux ans que le gouvernement sait que la province fait face à un manque d’électricité. La solution qu’il propose, soit le projet de loi 69, manque cependant d’ambition.
Ce manque d’électricité s’explique par les mauvaises prévisions d’Hydro-Québec. Les estimations de la société d’État quant à la croissance de la demande découlant de l’électrification et de la croissance de l’économie de la province ont été largement insuffisantes.
À titre d’exemple, Hydro-Québec considérait encore que nous nagions dans une mer d’électricité avec des surplus estimés à 40 térawattheures en 2019.
À peine deux ans plus tard, la société d’État en venait à la conclusion que les surplus n’étaient plus si énormes. Ils disparaîtraient d’ici 2027, en fonction de son approvisionnement actuel.
Hydro-Québec ne pouvait pas plus se tromper à la vue des quelque 155 milliards de dollars qui devront être dépensés d’ici 2035 pour faire face à un tel défi. Et il ne s’agit ici que du montant minimum.
Cela représente quand même une facture de 17 251 $ par Québécois et Québécoise. Et l’augmentation des approvisionnements d’électricité de 9000 mégawattheures occupera la part du lion de ce budget.
Les besoins du secteur industriel
Malgré cela, la société d’État ne serait pas en mesure de capter l’ensemble ni même la moitié de la demande d’électricité provenant du secteur industriel.
En effet, le ministre de l’Énergie a déjà refusé un grand nombre de projets industriels qui, ensemble, auraient nécessité un total de 21 500 mégawattheures de puissance électrique. C’est autant de projets qui ne se développeront pas au Québec.
La situation est d’autant plus alarmante lorsque 35 % des entreprises industrielles et manufacturières estiment manquer d’électricité pour répondre à leurs besoins actuels.
Il faut donc revoir les façons de faire pour éviter que le Québec ne perde davantage de projets créateurs d’emplois au profit d’autres États ayant mieux planifié leurs besoins en électricité.
En déliant les mains des producteurs indépendants, le gouvernement leur permettrait de répondre, au moins partiellement, à la demande existante des entreprises qui se voient refuser un branchement au réseau d’Hydro-Québec.
Alors que le Québec a besoin d’une vraie réforme, le gouvernement fait le plus petit pas de souris que l’on pourrait concevoir avec son projet de loi en la matière.
Afin de pallier les mauvaises prévisions d’Hydro-Québec, le gouvernement permet à un producteur indépendant de vendre son électricité directement à une seule entreprise, dans la mesure où celle-ci est adjacente à ses installations de production.
Ce type de restriction ne représente pas un problème pour les grands acteurs. Prenons l’exemple d’un producteur d’hydrogène vert de la taille de TES Canada, qui chercherait à obtenir un approvisionnement indépendant de 800 mégawatts d’un champ d’éoliennes.
Un projet d’une telle taille, bien que coûteux, pourrait intéresser un producteur indépendant dans la mesure où le volume de vente garanti est suffisamment intéressant.
Or, de bien plus petits projets se trouvent aujourd’hui menacés par une décision défavorable sur un branchement au réseau d’Hydro-Québec.
Depuis le début de 2023, les projets de développement nécessitant cinq mégawatts de puissance électrique ou plus sont soumis à l’examen du gouvernement, et certains se voient refuser leurs demandes.
Un producteur indépendant qui serait en mesure de mettre en œuvre un parc éolien afin d’alimenter plusieurs industriels de la région aurait pu être intéressé par ce projet, mais les limites réglementaires conservées dans le projet de loi 69 interdisent aux producteurs indépendants de vendre à plus d’un client.
Il serait donc étonnant qu’ils décident de passer à travers toutes les étapes permettant de bâtir un parc éolien au complet pour une demande qui peut être couverte par deux ou trois éoliennes dans le fond d’un champ.
Voici donc le problème qui découle du manque d’ambition du projet de loi 69 : celui-ci offre une solution intéressante aux grands acteurs, mais les petites et moyennes entreprises du Québec se trouvent encore prises entre l’arbre et l’écorce.
Espérons que les élus saisiront l’occasion d’amender le projet de loi afin qu’il représente une solution viable pour tous. Après tout, le Québec est bien mûr pour une vraie réforme énergétique.
Gabriel Giguère is a Senior Policy Analyst at the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.