Comment mon notaire est devenu rentier

Un neurochirurgien est sûrement capable de faire une prise de sang dans les règles de l’art.
Ce serait un peu ridicule d’exiger que seuls les neurochirurgiens soient autorisés à faire des prises de sang. Ils semblent avoir plus qu’assez de travail spécialisé à faire et pour lequel eux seuls ont les compétences de le faire.
Ce devrait être la même chose avec les actes notariés.
Il y a certains actes réservés aux notaires et pour lesquels on ne voudrait pas faire confiance à autrui. Il y a d’autres activités cependant où le travail pourrait être fait par du personnel moins spécialisé, et simplement vérifié par des notaires.
Transferts d’hypothèques
Jusqu’à tout récemment, c’est comme ça que se faisait une grande part des transferts d’hypothèques.
Lorsqu’un propriétaire allait voir un courtier pour renouveler son hypothèque avec un prêteur différent, le courtier mandatait un centre de traitement pour remplir la paperasse pour le transfert d’hypothèque. Ensuite, un notaire validait que tout était conforme. Puis, on allait de l’avant avec le renouvellement hypothécaire.
Le coût était autour de 850$ et sortait essentiellement de la commission du courtier hypothécaire.
Malheureusement, depuis une refonte de la loi encadrant la profession notariale, la Chambre des notaires du Québec a interprété que la nouvelle loi interdisait le recours à ces centres de traitement, et exigerait que la paperasse soit remplie par des notaires.
Comme vous vous en doutez, le fait de payer les honoraires d’un notaire qui peut facturer 300$/heure pour remplir des petites cases dans les formulaires fait grimper les coûts.
Aujourd’hui, il est estimé que cette décision a fait augmenter le coût d’un transfert d’hypothèque autour de 1500$. Cela représente une hausse de 75%!
Recherche de rentes
Ce que fait la Chambre des notaires aujourd’hui, grâce à son interprétation de la loi, est un exemple type de ce qu’on appelle la «recherche de rentes» en économie.
Celle-ci décrit un phénomène où un acteur obtient un revenu qu’il n’aurait pas autrement en utilisant son influence ou en exploitant l’environnement politique ou légal à son avantage.
Comme l’affirmait l’un des représentants des notaires en commission parlementaires, les centres de traitement spécialisés ont baissé les prix, faisant en sorte que les banques et autres prêteurs se tournent vers leurs services pour remplir les formulaires de transferts d’hypothèque.
Pour récupérer les parts de marchés perdues, les notaires avaient deux options.
Ils pouvaient trouver le moyen de redevenir compétitifs en réduisant leurs prix, en augmentant la qualité du service et en trouvant un moyen de réduire leurs coûts.
L’autre option était de passer par le législateur pour faire réformer la loi, et trouver le moyen de récupérer leur monopole par la loi, plutôt qu’en misant sur la satisfaction du client.
Visiblement, c’est la seconde option qui l’a emporté.
Comme chaque fois qu’un groupe s’approprie un tel monopole grâce à un comportement de recherche de rente, l’effet a été d’augmenter le revenu des notaires, aux dépens de l’intérêt des consommateurs.
Dans le contexte actuel, où plusieurs familles voient leur renouvellement hypothécaire venir avec appréhension vu les taux d’intérêt élevés, il est possible que cette rente consentie aux notaires soit encore plus dommageable.
En venant augmenter le coût de transactions associé à un transfert d’hypothèque, cette interprétation de la loi pourrait faire en sorte que la différence de paiements hypothécaires entre deux prêteurs soit largement absorbée par les frais de transaction plus élevée.
Avec ce monopole, les notaires du Québec sont devenus des rentiers, et c’est nous tous qui payons les rentes.
Gabriel Giguère is a Senior Policy Analyst at the MEI and the author of “Mortgage renewals: the latest regulatory burden.” The views reflected in this opinion piece are his own.