Comment les municipalités contribuent au prix élevé du logement
Il manque énormément de logements au Québec.
Afin de retrouver des niveaux de prix abordables, il faudrait que, d’ici 2030, nous bâtissions 1,2 million de logements additionnels, selon les plus récentes estimations de la Société canadienne d’hypothèques et de logement.
La tendance actuelle suggère qu’on en bâtira plutôt 330 000 environ.
Sans vouloir tomber dans le défaitisme, il faudra plus de temps — et surtout plus d’efforts — pour se sortir des enjeux d’abordabilité du logement au Québec.
C’est qu’on pourrait bâtir plus… du moins, peut-être pas 2,5 fois plus en aussi peu de temps — comme on en aurait besoin —, mais tout de même plusieurs dizaines de milliers d’unités de plus.
Pour ce faire, il faudrait notamment que les administrations municipales cessent de mettre autant de bâtons dans les roues de ceux et celles qui souhaitent bâtir de nouveaux chez-soi pour les familles du Québec.
Ces obstacles se trouvent d’abord au niveau des permis.
Que ce soit avec leurs permis, leurs taxes ou leurs problèmes de planification, les villes rament trop souvent à contre-courant par rapport à ceux et celles qui veulent retrouver un certain niveau de prix abordable.
Prenons l’exemple de la Ville de Montréal.
Au printemps dernier, La Presse révélait qu’il fallait attendre 540 jours en moyenne pour obtenir un permis de construction dans l’arrondissement de Ville-Marie, représenté par la mairesse de Montréal, Valérie Plante.
Il s’agit là des délais d’obtention pour une seule des nombreuses étapes d’approbation d’un nouveau projet.
La promesse de la mairesse à réduire les délais d’approbation à 120 jours ne vise que les projets qualifiés comme étant de «plein droit», c’est-à-dire ne nécessitant aucune modification aux très sévères plans d’urbanisme.
En bref, vous n’aurez aucun problème à construire un duplex dans un quartier qui en est rempli. Mais si vous souhaitez bâtir un nouveau quartier d’une centaine de duplex, ou encore un immeuble à appartements en plein centre-ville, vous risquez de devoir patienter encore plusieurs années pour obtenir votre autorisation.
En retardant voire en empêchant les grands projets de la sorte, les administrations municipales repoussent le retour à l’abordabilité du logement, en freinant ce qui contribue le plus à augmenter l’offre disponible.
D’autres obstacles existent cependant.
Il y a la question des taxes et autres frais de développement.
Au cours des dernières années, des municipalités telles que Trois-Rivières, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier et Brossard ont commencé à imposer le paiement d’un montant forfaitaire pour chaque nouveau logis bâti sur leur territoire. Une sorte de taxe au développement en fait.
Ces taxes qui tournent autour de 4 000 $ à 6 000 $ par logement peuvent atteindre jusqu’à 15 000 $ pour les appartements bâtis sur le territoire de Beauharnois.
En haussant le prix de construction de nouveaux logements, ces taxes se répercutent dans le prix de vente et ultimement dans le montant de l’hypothèque qu’un acheteur devra contracter, ou dans le loyer d’un locataire.
Problèmes de planification
Les municipalités bloquent également les nouveaux logements par leur manque de vision quant à la mise à niveau des infrastructures de soutien, comme le traitement des eaux.
Récemment, on a pu voir le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, annoncer que la municipalité n’approuverait aucun nouveau permis de construction dans deux secteurs très demandés de la ville.
Les demandes de permis s’étant multipliées dans ces quartiers au cours des dernières années, les fonctionnaires n’avaient pas prévu le fait que leurs infrastructures de traitement des eaux usées fonctionneraient à plein régime et devraient être mises à niveau afin de répondre aux besoins de tous ces nouveaux résidents (et contribuables).
Que ce soit avec leurs permis, leurs taxes ou leurs problèmes de planification, les villes rament trop souvent à contre-courant par rapport à ceux et celles qui veulent retrouver un certain niveau de prix abordable.
En l’absence d’action de la part des élus municipaux, les politiciens provinciaux devraient proposer des moyens de faire débloquer l’offre de nouveaux logements au Québec. La proposition du libéral Frédéric Beauchemin est intéressante. Elle propose de sévir contre les administrations municipales bloquant la construction de nouveaux logements.
Et bien que cela ne lui donnera pas l’occasion de se faire prendre en photo souvent avec une pelle à la main, cela aura le mérite de nous rapprocher de ce fameux retour à l’abordabilité. N’est-ce pas là ce qui compte vraiment?
Daniel Dufort is President and CEO of the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.