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Budget Québec 2025: l’équilibre budgétaire remis aux calendes grecques

Une autre année, un autre déficit record pour le gouvernement du Québec.

Entre le 1er avril prochain et le 31 mars 2026, le ministre des Finances Eric Girard s’attend à dépenser 13,6 milliards de dollars de plus que ce qu’il récoltera en revenus.

On dit souvent qu’il est important d’être en compétition avec soi-même. Le grand argentier du Québec le prend au mot en nous offrant rien de moins que son personal best.

En effet, le ministre Girard laisse ainsi en plan le précédent record de déficit qu’il avait lui-même établi.

Si tous les voyants sont au rouge au ministère des Finances, le ministre Girard tente de nous rassurer, affirmant qu’il a un plan pour revenir à l’équilibre budgétaire avant le début de la prochaine décennie.

Or, ce plan n’est tout simplement pas réaliste et, en l’absence d’un vrai plan de redressement des finances, le Québec risque de continuer à mettre ses dépenses sur la carte de crédit pour bien longtemps encore.

Gain en capital

La première prémisse douteuse sur laquelle le plan du ministre repose est le maintien de l’augmentation du taux d’inclusion du gain en capital.

On se rappellera, en avril dernier, il n’avait fallu que quelques jours après l’annonce du gouvernement fédéral haussant l’impôt sur les revenus d’investissement avant que le ministre Girard n’emboîte le pas, prétextant le besoin d’harmoniser le régime fiscal québécois avec celui du gouvernement fédéral.

Depuis, les politiciens fédéraux ont admis qu’il s’agissait d’une erreur.

Rapidement, le chef conservateur Pierre Poilievre a affirmé être opposé à cette hausse des impôts, expliquant qu’elle nuirait à la fois aux épargnants et à l’investissement dans nos entreprises.

Et en pleine campagne à la chefferie, le premier ministre canadien Mark Carney s’était engagé à mettre fin au flou autour de cette hausse des impôts et de l’abandonner pour de bon, toujours sous le prétexte d’aider nos entreprises.

La semaine dernière, avant le déclenchement des élections, il a tenu cet engagement, mettant fin pour de bon au suspens quant à l’augmentation de cette taxe.

Si le fédéral s’en est débarrassé, le gouvernement provincial, lui, compte encore sur ces revenus pour atteindre l’équilibre budgétaire en 2029-2030.

Si le ministre respecte sa parole et rejette cette hausse des impôts afin de maintenir des définitions fiscales harmonisées avec Ottawa, le gouvernement du Québec ferait face à un déficit de 651 millions de dollars en 2029-2030, plutôt qu’un surplus de 101 millions de dollars.

L’aide d’Ottawa

La seconde prémisse douteuse vient du fait que le ministre semble compter sur un mélange de fonds supplémentaires quémandés à Ottawa ou encore de vagues économies réalisées par le gouvernement afin de résorber un manque à gagner de 2,5 milliards de dollars en dépenses annuelles.

Sur la question des transferts, lorsqu’on regarde l’état des finances du gouvernement fédéral, rien n’est moins clair que la capacité qu’aurait le gouvernement du Québec à convaincre Ottawa de lui accorder quelques milliards de dollars de plus.

Quant à l’efficience, bien qu’il ne fasse pas l’ombre d’un doute qu’il existe quelques milliards de dollars de dépenses inutiles à Québec, le manque de détails quant au type de dépenses ciblées par une telle proposition n’inspire pas confiance envers ce plan.

Et si nous espérons comme le ministre que l’économie québécoise aura une croissance plus forte qu’anticipé, il n’en demeure pas moins que les menaces tarifaires pèsent lourd dans la balance.

Puis, il y a le fait que le ministre nous demande de lui faire confiance pour identifier et éliminer ce gaspillage, mais uniquement une fois que la prochaine campagne électorale sera passée, soit dans le budget qu’il déposera en mars 2027.

Il s’agit là de la troisième prémisse douteuse du ministre.

Afin de concrétiser ce plan de retour à l’équilibre budgétaire, il faut présumer que le gouvernement actuel – ou celui qui le remplacera suite aux prochaines élections – résistera à la tentation de promettre des nouvelles dépenses par milliards afin de séduire les électeurs.

Les chances que cela se produise sont minces.

Note de zéro

Sincèrement, pour le contribuable québécois, ce budget mérite un zéro.

Alors que le gouvernement du Québec s’apprête à effectuer un sixième déficit consécutif, les Québécois et Québécoises auraient été en droit de s’attendre à ce que le gouvernement puise un tant soit peu dans sa réserve de courage afin de tracer les contours d’une nouvelle direction pour le Québec.

Le modèle québécois s’essouffle. On peut tous constater que l’État croule de lourdeur. Malheureusement, notre gouvernement préfère replacer les chaises sur le pont d’un vaisseau qui coule.

Daniel Dufort is President and CEO of the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.

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