Apprendrons-nous à apprécier le «Big Pharma»?
Plusieurs personnes aiment détester les multinationales, et les accuser de tous les torts. Il est notamment à la mode de taper sur les grandes entreprises du secteur pharmaceutique. Mais ces mêmes personnes qui critiquent sans cesse devraient en fait se sentir chanceuses de vivre dans un monde où certaines de ces multinationales sont si efficaces qu’elles s’apprêtent, semble-t-il, à nous sauver d’une crise qui ne fait qu’empirer.
Deux entreprises ont en effet annoncé des vaccins contre la COVID-19 qui seraient d’une efficacité de plus de 90% chacun, ce qui pourrait leur permettre de demander aux autorités américaines une autorisation d’urgence pour son utilisation plus tard ce mois-ci.
D’ailleurs, même les compagnies pharmaceutiques québécoises, comme IMV, sont dans la phase d’essai clinique du vaccin. Que ce soit Pfizer, IMV, Janssen, Novartis ou les autres entreprises membres de Innovative Medicines Canada qui tentent de trouver des solutions à la pandémie actuelle, nous bénéficions grandement de leur expertise et de leurs investissements.
Certains peuvent trouver indécent qu’une entreprise fasse plus de 50 milliards $ en chiffre d’affaires annuellement. Et alors? N’est-ce pas là un signe que leurs produits sont appréciés des patients et que la demande est présente? Les entreprises pharmaceutiques, et l’innovation pharmaceutique en général, expliquent en bonne partie les améliorations à long terme au chapitre de la santé et de la longévité chez les humains.
C’est d’ailleurs le propos que tient Matthew Lynn, dans le célèbre magazine britannique The Spectator. Il ajoute, avec justesse: «un nouveau vaccin pour un nouveau virus aura été développé, approuvé et prêt pour la production (et rappelons-nous que les vaccins ne sont pas des choses faciles à fabriquer) en moins de 12 mois. Rien de tel n’a jamais été fait auparavant. Beaucoup de gens doutaient que ce soit même possible. La seule organisation capable d’y parvenir est une méga société. Cela demande de l’argent et des investissements. Cela demande de l’expertise. Et cela demande des compétences organisationnelles et logistiques à grande échelle.
Bref, on a beau apprécier – et avec raison – notre pharmacien de quartier, il n’est tout simplement pas équipé pour relever un tel défi. Et gardons en tête que lorsque viendra le temps de distribuer ledit vaccin, les gouvernements voudront justement faire appel à ces multinationales, car elles sont les mieux outillées pour distribuer, avec rapidité et efficacité, un tel produit à l’échelle de la planète. D’ailleurs, ce sont des géants comme McKesson et Jean Coutu qui distribuent une grande partie des vaccins et médicaments dans nos régions, même les plus éloignées d’entre elles.
Dans une économie de marché comme la nôtre, il est tout à fait normal et souhaitable que des entreprises se spécialisent dans un domaine et offrent leurs services au gouvernement. C’est ce qui mène entre autres à des partenariats public-privé pour la chaîne d’approvisionnement de vaccins et de médicaments, et qui assure l’efficacité de celle-ci au Québec.
Si tout se passe bien et que le vaccin est un succès, est-ce que les multinationales auront meilleure réputation parmi ce segment de la population que le mot même répugne? Comme Matthew Lynn, j’en doute.
Malheureusement, ceux-là diront probablement qu’elles ont «profité de la crise et se sont enrichies» grâce à la pandémie. Mais espérons qu’une majorité de nos concitoyens auront, au contraire, le réflexe de constater les bénéfices qui découlent de l’innovation de ces entreprises. Puisqu’il n’y a rien de tout noir dans la vie, même en temps de pandémie!
Miguel Ouellette is Director of Operations and Economist at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.