Airbnb et le manque de logements – Un mythe tenace et bien commode
Les politiciens ont trouvé en Airbnb le bouc émissaire parfait pour porter le blâme concernant le manque de logements.
Selon leurs dires, l’augmentation rapide du prix du logement serait fortement exacerbée par l’entreprise et les logements qui y sont loués. En réponse aux pressions des maires et mairesses, le gouvernement provincial a même adopté une « loi Airbnb » l’an dernier, ayant pour effet de restreindre la location à court terme.
Malgré les promesses de ceux et celles qui ont soutenu cette loi, le logement n’est pas soudainement redevenu abordable depuis son entrée en vigueur.
Entre autres, parce que, lorsqu’on les compare à l’ensemble du parc immobilier, les locations à court terme représentent une part infime du total.
Une fraction disponible pour la location à long terme
Prenons l’exemple de la grande région de Montréal. Il y avait 24 909 annonces sur Airbnb dans la région métropolitaine de Montréal avant le passage de la loi, en 2021, selon une récente étude de Statistique Canada. Cela peut sembler beaucoup, mais il faut comprendre que ces annonces ne représentent pas toutes un logement susceptible de rejoindre le parc de location à long terme.
D’abord, il faut ôter ce qu’on peut appeler les unités partielles. L’exemple type serait le couple avec une chambre en trop qui, pour arrondir les fins de mois, la met en location touristique. Cela peut être la chambre d’un enfant qui est parti à l’université, par exemple.
Ensuite, il faut ôter les unités qui ne sont pas disponibles toute l’année. Un exemple type serait un jeune couple qui mettrait son condo en location temporaire lorsqu’il est à l’extérieur du pays, pour aider à réduire les coûts d’un voyage.
On pourrait aussi penser à l’exemple des travailleurs et travailleuses sur rotation, qui passent une partie de leur temps chez eux, et une autre sur la route, et qui choisissent parfois de louer leur résidence principale ou leur pied-à-terre pour arrondir les fins de mois.
Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de logements qui, avec ou sans Airbnb, ne sont pas plus disponibles pour la location à long terme.
Lorsqu’on ôte les annonces de ces différentes catégories, on se rend compte qu’il n’y aurait en réalité que 7185 logements en location à court terme dans le Grand Montréal qui pourraient retourner sur le marché de la location à long terme.
Cela peut sembler imposant, mais c’est une goutte d’eau dans l’océan, représentant 0,39 % des 1 842 890 logements dans la région métropolitaine. Essentiellement, c’est l’équivalent de trois mois et demi de mises en chantier pour la région, selon la moyenne des cinq dernières années.
Les Villes ont leurs responsabilités
Si on veut régler le problème du manque de logements qui est à l’origine de l’augmentation rapide des prix, on devrait plutôt regarder du côté des municipalités, et de ce qu’elles font pour encourager ou freiner la construction de logements.
Selon mon analyse, depuis l’arrivée en poste de l’équipe de Valérie Plante, celle-ci a entravé la construction de près de 24 000 logements dans la ville de Montréal seulement.
Dans certains cas, les projets ont tout simplement été bloqués, comme pour le projet Cap-Nature, de 5500 logements, à Pierrefonds.
Dans d’autres, l’administration a mis une limite artificielle au nombre d’unités pouvant être bâties dans certaines zones, retranchant plusieurs milliers de logements du potentiel de développement, comme dans le secteur Bridge-Bonaventure.
D’autres règlements freinent l’abordabilité en faisant croître les coûts de construction, comme les redevances au développement en vigueur à Repentigny, Mascouche ou encore Terrebonne, ou encore les règlements qui s’articulent comme des taxes, comme le « 20-20-20 » à Montréal.
Tous ces freins au développement ont un effet bien plus grand sur le marché du logement que la poignée de logements Airbnb qui seraient susceptibles de revenir sur le marché locatif de long terme.
Les maires et mairesses devraient se concentrer sur ce qu’ils peuvent faire pour cesser de freiner l’augmentation de l’offre de logements plutôt que de surréglementer le secteur de l’habitation et de l’hébergement. C’est de cette façon que nous construirons assez de logements pour que les prochaines générations aient accès à des logements qui leur conviennent.
Cela ne se fera certainement pas en brandissant le mythe d’Airbnb.
Gabriel Giguère is a Senior Policy Analyst at the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.