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Achat éventuel d’Air Transat par Air Canada – Les consommateurs n’ont rien à craindre

Alors qu’Air Canada cherche à acquérir Air Transat, les voyageurs doivent-ils craindre une hausse du prix des billets à la suite de cette éventuelle consolidation ? En un mot, non.

L’idée selon laquelle les entreprises détenant de grandes parts de marché nuisent aux consommateurs repose sur une confusion entre la cause et l’effet. Les entreprises ayant des parts de marché importantes ont peut-être atteint ce statut grâce à leur efficacité, en augmentant la qualité de leurs produits ou services et en réduisant leurs coûts, donc les prix.

Dans ce cas, un niveau élevé de concentration n’est pas un problème pour les consommateurs. Au contraire, cela signifie plutôt des produits de meilleure qualité et moins chers.

Plus important encore, des parts de marché importantes et l’espoir de profits substantiels constituent un appât pour les innovateurs. Ainsi, des parts de marché importantes sont également un gage d’innovation, ce qui profite aux consommateurs.

C’est pourquoi les économistes ont cessé de mesurer la concurrence seulement au moyen de parts de marché ou du nombre d’entreprises présentes dans un marché donné, et s’intéressent plutôt à la possibilité ou non pour des entreprises de concurrencer les acteurs en place. 

Une entreprise qui a innové plus vite que ses concurrents – ce qui lui a permis de réduire les prix et de fidéliser une majorité de consommateurs – continuera d’agir de manière concurrentielle et d’être attentive aux besoins des consommateurs si elle craint l’arrivée de concurrents ou de tiers introduisant de nouveaux produits qui rendraient les siens désuets. Si, au contraire, une entreprise bien implantée se contente d’augmenter ses prix, elle finira par encourager l’arrivée de concurrents sur le marché.

C’est ce qui s’est passé dans l’industrie américaine du whisky à la fin du XIXe siècle, par exemple. Les entreprises en place ont tenté d’évincer leurs concurrents avec une guerre des prix (et ce, afin de pouvoir augmenter leurs prix par la suite), mais elles ont échoué de façon spectaculaire. Il y avait peu de barrières à l’entrée dans cette industrie, ce qui signifiait qu’une fois que les grandes entreprises avaient commencé à augmenter leurs prix, de nouvelles entreprises entraient sur le marché et gagnaient des parts de marché au détriment des entreprises en place, elles-mêmes aux prises avec des difficultés financières à la suite de cette guerre des prix.

C’est donc la présence de barrières à l’entrée dans une industrie qui nuit aux intérêts du consommateur, et non le nombre d’entreprises dans un marché.

Les pires barrières sont gouvernementales

Ces barrières peuvent être inhérentes aux produits eux-mêmes, mais la concurrence résultant de l’invention de nouveaux produits en limite l’importance. Les obstacles découlant des politiques gouvernementales sont plus pernicieux et persistants.

L’industrie aérienne au Canada en est un exemple éloquent. La Loi sur les transports au Canada limite explicitement la concurrence étrangère en interdisant aux transporteurs non canadiens de transporter des passagers entre des villes canadiennes. Cela signifie qu’un transporteur européen ne peut pas prendre de passagers à Toronto, les déposer à Montréal et y accueillir de nouveaux passagers avant de se rendre en Europe. Il s’agit d’un obstacle à la concurrence – un obstacle qui ne découle pas du marché, mais des politiques gouvernementales.

En fait, dans les cas répertoriés où de grandes entreprises ont abusé des consommateurs, ce fut souvent avec l’aide des gouvernements.

Par exemple, l’un des cas d’abus de position dominante les mieux documentés est celui de l’industrie du sucre de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, qui a grandement profité des tarifs douaniers limitant les importations de sucre raffiné.

Également, avant le milieu des années 70, l’industrie du transport aérien aux États-Unis était « cartellisée » par des réglementations gouvernementales expressément conçues pour limiter la concurrence. Sans la « menace » d’entrée de nouveaux acteurs dans le marché, les transporteurs aériens étaient moins incités à réduire les prix et à satisfaire les consommateurs. Ce n’est qu’après l’élimination de ces obstacles à la concurrence, en 1978, que les prix ont commencé à baisser.

En somme, ceux qui se préoccupent du bien-être des consommateurs, que ce soit dans l’industrie du transport aérien ou en général, devraient se préoccuper davantage des obstacles à la concurrence que de la taille ou du nombre d’entreprises sur un marché. Ce sont ces obstacles, en particulier ceux dressés par les gouvernements pour protéger les entreprises en place, qui finissent par nous coûter cher.

Vincent Geloso is Associate Researcher at the Montreal Economic Institute and the author of “Consolidation in the Air Sector: Should We Be Worried?” The views reflected in this op-ed are his own.

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