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Bombardier : les mises à pied justifiables? Perdre tous les emplois ou seulement certains?

L’annonce de la suppression de 2500 emplois chez Bombardier au Québec a suscité une vague d’indignation.

La perte d’un emploi est toujours difficile sur le plan personnel, même dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Comme ce fut le cas lors des mises à pied de 2016, certains ont demandé à ce que le gouvernement force le maintien de ces emplois en invoquant les aides financières passées. Ce serait tenter de réparer une erreur par une autre erreur.

Les entreprises doivent parfois réduire leur taille, quitte à réembaucher plus tard. Elles ne le font jamais par plaisir ; trouver du personnel est toujours difficile et coûteux, et aucune entreprise ne peut créer de la valeur sans employés.

Pourtant, pour que la croissance revienne un jour et pour qu’une entreprise soit à nouveau en mesure d’embaucher des salariés et leur offrir de bonnes conditions, c’est parfois un passage obligé.

Maintenir artificiellement des emplois qui ne correspondent plus aux besoins actuels d’une entreprise mettrait celle-ci plus en péril et pourrait finir par détruire encore plus d’emplois.

Laisser les dirigeants diriger

Soyons clairs : il est toujours préférable que le gouvernement n’offre pas d’aide financière aux entreprises. Cependant, lorsqu’il décide malgré tout de verser une telle aide, il ne doit pas l’assortir de conditions, encore moins dicter la gestion de l’entreprise. S’il le faisait pour Bombardier, il empêcherait celle-ci de s’adapter à sa réalité (présentement, un endettement important et une faible demande pour ses avions). Cela demeure vrai même si on a trouvé toutes sortes de prétextes pour verser à l’entreprise plus de 4 milliards en fonds publics depuis 1966.

Il serait aussi présomptueux de croire qu’un observateur externe peut avoir une meilleure lecture de la situation que les dirigeants de Bombardier eux-mêmes. L’un des enseignements les plus importants de la science économique est une forme d’humilité : on ne prend jamais de meilleures décisions que les personnes qui sont directement concernées.

Ni les décideurs politiques, ni les hauts fonctionnaires, ni les commentateurs n’ont une meilleure connaissance du marché, de l’entreprise elle-même, de ses finances, de sa culture et de son historique que les dirigeants de Bombardier eux-mêmes.

Toutes ces informations, qui sont bien souvent subtiles et difficiles à communiquer aux personnes étrangères à l’entreprise, sont essentielles pour prendre de bonnes décisions. Substituer la force du gouvernement aux pressions des actionnaires de Bombardier, où même celle de ses employés, serait une grave erreur.

Bien entendu, Bombardier a pris des risques importants par le passé, et ses projets n’ont pas tous obtenu le succès souhaité. Il reste que, d’un point de vue de politiques publiques, le problème de Bombardier n’est pas d’avoir été trop ambitieuse ni de ne pas avoir atteint ses objectifs ; c’est plutôt que plusieurs gouvernements, pendant plusieurs années, lui aient permis d’utiliser l’argent des contribuables pour prendre ces risques.

En fait, sans l’aide de l’État, Bombardier aurait été depuis longtemps confrontée aux choix difficiles auquel elle fait face aujourd’hui et serait peut-être dans une meilleure situation, sans que des fonds publics y aient été engloutis.

Une fois restructurée, Bombardier sera mieux outillée pour créer davantage de richesse. Ce n’est pas une garantie de succès, mais lui lier les mains ne ferait qu’augmenter les chances qu’elle devienne un fardeau, figeant sa main-d’œuvre hautement qualifiée dans des emplois qui n’ont plus de raison d’être.

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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