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La gestion de l’offre, un boulet au pied pour le Canada

Une entente tout juste approuvée ressuscitera l’Accord de partenariat transpacifique. Le fameux PTP, auquel on a greffé les termes « global » et « progressiste » (PTPGP), permettra d’accroître les parts de marché des agriculteurs canadiens à travers la zone Asie-Pacifique. Encore une fois, le système de la gestion de l’offre a été un irritant lors des longues négociations. Les concessions faites sur les parts du marché intérieur feront mal aux producteurs de lait, d’œufs et de volaille, mais aussi aux contribuables, qui paieront une facture salée pour les compenser.

Pour bien saisir pourquoi la gestion de l’offre est un motif d’irritation lors des négociations commerciales, on doit comprendre son fonctionnement général. Essentiellement, ce système cherche à arrimer la production avec la consommation nationale à l’aide de quotas de production et de tarifs à la frontière : on autorise les agriculteurs à produire ce que nous consommons. Les tarifs à l’importation, qui visent à empêcher toute concurrence étrangère, oscillent entre 150 % et 300 % et sont contestés par les autres pays puisqu’ils bloquent la quasi-totalité des importations de produits comme le lait, le beurre, le fromage et les œufs.

Bien que la gestion de l’offre ait survécu aux multiples contestationsinternationales dont elle a fait l’objet, elle a cependant perdu des plumes. Les parts du marché intérieur ont en effet été constamment utilisées comme monnaie d’échange avec d’autres pays pour permettre au Canada de signer des accords. L’an dernier, le Canada a ainsi augmenté la quantité de fromage qui pourra être importée d’Europe afin de pouvoir conclure l’Accord économique commercial et global (AECG), un traité de libre-échange avec l’Union européenne.

Une part de cette quantité a d’ailleurs été soustraite à ce qui avait été attribué aux États-Unis et à la Nouvelle-Zélande dans une entente antérieure. Cette promesse brisée nous a donc valu une nouvelle plainte à l’Organisation mondiale du commerce. Les contribuables canadiens ont quant à eux assumé une facture de 350 millions $ pour la compensation financière qui sera versée par le gouvernement fédéral à l’industrie laitière. On doit aussi garder à l’esprit que les parts de marché cédées dans le cadre de l’entente avec la zone Asie-Pacifique (3,25 % pour les produits laitiers du Canada et environ 2 % pour la volaille) coûteront très cher à l’ensemble des Canadiens. Lors de la première ébauche de l’entente sous le gouvernement conservateur, une compensation de 4,3 milliards $ avait été promise. Le syndicat des producteurs n’en demande pas moins aujourd’hui.

Tout le monde perd

Tout cela illustre les contorsions politiques et économiques auxquelles on doit se livrer pour conclure des accords commerciaux tout en tentant de préserver un système coûteux, inefficace et même nuisible.

Avec un peu de recul, il ne fait pas de doute que tout le monde est perdant dans ce contexte. Les consommateurs continueront de payer trop cher pour les produits sous gestion de l’offre, un coût annuel estimé entre 260 et 440 $ par ménage. Les producteurs, eux, voient encore leurs parts du marché intérieur diminuer sans pouvoir concurrencer à l’étranger, limitant ainsi leurs possibilités de croissance qui sont déjà faibles. Sans oublier les contribuables, qui assumeront ultimement les milliards donnés en compensation. Quant au gouvernement canadien, la gestion de l’offre continuera de l’exposer aux plaintes devant l’Organisation mondiale du commerce, tout en limitant sa capacité de négocier des accords essentiels à la croissance de l’économie canadienne.

Au lieu de donner des milliards pour maintenir ce boulet à notre pied, on devrait utiliser ces sommes pour compenser l’abolition des quotas, que les producteurs ont achetés à des prix démesurés. Cela occasionnerait une dépense annuelle de 1,6 milliard de $ sur une période de transition de dix ans. À première vue, ce montant peut sembler important, mais il est considérablement inférieur aux bénéfices pour les consommateurs, qui pourraient s’élever jusqu’à cinq milliards par année.

Dans le cadre de la renégociation de l’ALENA, alors que les États-Unis demandent la fin de la gestion de l’offre sur une période de dix ans, il y a fort à parier que le Canada devra encore faire des concessions pour arriver à un accord. Il est donc grand temps de laisser tomber la gestion de l’offre pour non seulement assurer la prospérité à long terme des secteurs qui y sont présentement soumis, mais aussi se donner des munitions qui nous aideront à calmer les ardeurs protectionnistes du gouvernement américain.

Alexandre Moreau is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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