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Comment un hôpital suédois réduit le temps d’attente à l’urgence

Le ministre de la Santé a récemment lancé un ultimatum aux hôpitaux du Québec afin que les séjours à l’urgence ne dépassent plus 24 heures. S’il veut atteindre son objectif, et même le dépasser, peut-être devrait-il s’inspirer des performances affichées par un hôpital suédois.

Saint Göran est un hôpital de Stockholm financé par l’État et géré par une entreprise privée, la multinationale Capio. Il surclasse ses pairs sur le plan de l’attente à l’urgence, la satisfaction des patients et celle de son personnel, tout en coûtant moins cher à l’État. Si ça peut sembler trop beau, c’est pourtant vrai.

Huit heures à Saint Göran, 48 heures au Québec

Au Québec, la moitié des patients à l’urgence (51 %) attendent plus de 4 heures. Pour les patients sur civière, qui représentent le tiers des visites, l’attente médiane atteint près de 10 heures, et peut grimper à 15, voire 20 heures dans nos grands hôpitaux.

À Saint Göran la durée médiane de séjour à l’urgence est de 2,8 heures, et moins du quart des patients (23 %) attendent plus de 4 heures. Seulement 1 % des patients passent plus de huit heures à l’urgence. Au Québec, une plus grande proportion de patients (1,6 %) attendent… 48 heures ou plus!

Le cas de Saint Göran est intéressant puisqu’il permet de voir comment un hôpital géré par une entreprise privée peut s’intégrer dans un système de santé universel à payeur unique, semblable au nôtre. En effet, en Suède comme au Canada, l’État finance la plus grande partie des soins. Le fait qu’un hôpital soit public ou privé ne fait pas de différence pour le patient.

Le modèle d’affaires de Saint Göran est essentiellement de soigner bien et efficacement ses patients afin de générer des profits. Pour atteindre cet objectif, ses gestionnaires s’appuient sur différents indicateurs de performance (en Suède, tout cela est public). Capio est à ce point confiante en ses méthodes que, lors du dernier appel d’offres, elle a proposé ses services au comté de Stockholm sur la base d’une rémunération inférieure de 10 % à celle des hôpitaux comparables et à celle qu’elle recevait auparavant. Imaginez le cadeau pour un ministre de la Santé!

Cette réduction du financement public n’a pas entraîné de diminution du nombre de patients traités. L’urgence de Saint Göran, qui voyait quelque 35 000 patients passer ses portes il y a une quinzaine d’années, en a soigné plus de 86 000 en l’an dernier, autant que les plus gros hôpitaux du Québec.

Pendant que le nombre de patients que Saint Göran accueille à son urgence augmente, le temps d’attente y diminue. L’an dernier, le temps d’attente médian pour voir un médecin était de 26 minutes. Aucun hôpital suédois ne fait mieux.

Le secret de son succès

Saint Göran reçoit pourtant sa part de clientèle âgée, et les Suédois utilisent leurs urgences dans une proportion semblable aux Québécois. De plus, son degré élevé de productivité n’a pas été atteint au détriment des patients, qui évaluent que la qualité des soins reçus est comparable ou meilleure que dans les autres hôpitaux de Stockholm. Idem pour ses employés, dont le degré de satisfaction est plus élevé, alors que le taux de roulement et le nombre de journées d’absence pour maladie sont plus bas. Comment le personnel et les gestionnaires de Saint Göran arrivent-ils à accomplir de telles prouesses?

Tout simplement en appliquant des principes économiques élémentaires. D’abord, l’hôpital bénéficie d’une gestion décentrée du ministère et décentralisée en ses murs, en plus d’encourager les initiatives venant des employés. Ensuite, l’entreprise, poussée par le profit, ne rogne pas dans les soins aux patients mais, au contraire, consacre ses efforts à les soigner mieux et plus vite, ce qui est bon pour le patient et pour le budget de l’État.

Au Québec, un mythe tenace veut qu’accorder que plus de place au secteur concurrentiel dans la prestation des soins mettrait en péril l’accès et la qualité, et se ferait au détriment des patients. L’expérience de Saint Göran, comme celle de la plupart des pays européens, démontre que ce n’est tout simplement pas vrai.

Notre gouvernement provincial pourrait ainsi décider, à l’instar du Conseil de comté de Stockholm, de confier la gestion d’un hôpital à un exploitant privé, tout en conservant le financement public tel que nous le connaissons. Compte tenu des performances médiocres de notre système de santé en termes d’accès lorsqu’on les compare à celui des autres pays développés, nos décideurs n’ont rien à perdre d’une telle expérience, et les patients tout à gagner!

Patrick Déry is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute and the author of “Saint Göran: A Competitive Hospital in a Universal System.” The views reflected in this op-ed are his own.

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