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Bois d’œuvre : éviter un conflit coûteux est encore possible

À quelques jours du début de la renégociation de l’ALÉNA, le Canada et les États-Unis sont passés tout près d’un accord qui aurait pu sceller le dernier épisode d’un conflit durant plusieurs décennies sur le bois d’œuvre. Les deux parties avaient exprimé leur volonté de régler le dossier avant le 16 août pour éviter d’inutiles complications à la table de négociation, mais voilà que la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland vient d’annoncer que les discussions se feront en parallèle.

Les coûts du protectionnisme

D’ici à ce qu’un nouvel accord soit signé, les producteurs canadiens et les consommateurs américains sont les grands perdants. Actuellement, les droits compensateurs et antidumping imposés à la frontière américaine atteignent jusqu’à 30 % et font augmenter le coût de construction des nouveaux acheteurs au sud de la frontière. Pour une maison unifamiliale, ces tarifs représentent un coût supplémentaire de 3000 $ (canadiens). Le coût total pour l’économie américaine peut donc atteindre plus de 2,5 milliards $ sur une base annuelle, uniquement pour ce type de construction.

Ces tarifs ont aussi pour effet de réduire les parts de marché canadiennes aux États-Unis. Celles-ci ont baissé à 24 % en juillet, alors qu’elles se situent historiquement à 32 %. Cette baisse représente une perte mensuelle de 139 millions $ à l’échelle du Canada, dont 92 millions $ en Colombie-Britannique et 15 millions $ au Québec.

Cette situation est d’autant plus inquiétante que des centaines de municipalités et plus de 24 000 emplois dépendent directement de l’accès au marché américain, qui représente près de 75 % des exportations canadiennes de bois d’œuvre.

Bien que ces coûts soient considérables, la situation aurait pu être catastrophique, n’eût été de bonnes conditions économiques. D’une part, la vigueur du marché immobilier américain et l’effet des tarifs ont contribué à l’augmentation du prix du bois d’œuvre, qui a atteint un sommet mensuel inégalé depuis 2004. D’autre part, la faiblesse relative du dollar canadien a donné un peu de souffle aux producteurs canadiens en protégeant leurs marges de profits. Toutefois, cet avantage disparait lentement puisqu’on observe une appréciation du huard depuis la hausse du taux directeur annoncée par la Banque du Canada.

Une lueur d’espoir

Selon les dernières informations provenant d’un rapport de l’ambassadeur du Canada à Washington, David MacNaughton, les deux pays s’étaient entendus pour limiter les parts de marchés canadiennes à 30 % de la consommation domestique américaine.

Toutefois, un désaccord persisterait à propos des mesures spéciales à prendre advenant une augmentation soudaine de la demande sur le marché américain. En effet, la production américaine n’est pas suffisante pour répondre aux besoins domestiques et les États-Unis ont besoin du bois d’œuvre canadien pour assurer la viabilité de leur marché immobilier, qui est le principal débouché. 

Dans la mesure où la vigueur du marché immobilier américain nécessiterait une augmentation des importations, les négociateurs canadiens veulent s’assurer que cette demande serait captée par les producteurs canadiens et non par leurs concurrents à l’étranger, notamment la Russie et le Brésil. 

Le lobby de producteurs de bois d’œuvre américain cherchera assurémment à maintenir les tarifs le plus longtemps possible. Les tarifs actuellement imposés sont préliminaires, et il est prévu que le département du Commerce américain publiera son avis final entre le mois d’octobre prochain et janvier 2018.

Si l’on se fie à ce qui est arrivé lors des conflits précédents, les tarifs devraient demeurer en place après cette étape finale, possiblement avec une réduction du taux imposé. Si tel est le cas, le Canada devra miser sur le mécanisme de résolution de conflit prévu à l’ALÉNA pour obtenir gain de cause. Ce mécanisme est cependant remis en question dans le document préparatoire déposé par l’administration Trump en vue des négociations.

En somme, le Canada a démontré à maintes reprises que les mesures de soutien à son industrie sont minimes et qu’elles ne justifient pas l’imposition de tarifs en vertu du droit commercial américain. L’obtention d’un accord garantissant l’importation libre de tout tarif serait sans aucun doute le scénario idéal, et ce tant pour les producteurs canadiens que pour les consommateurs américains.

Ce texte a été écrit en collaboration avec Alexandre Moreau, analyste en politiques publiques à l’IEDM.

Jasmin Guénette is Vice President of Operations at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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