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Op-eds

Trump, Merkel et les déficits commerciaux

Lors du récent sommet du G7 en Sicile, le président Trump a qualifié l'Allemagne de « bad, very bad » en raison de ses fortes exportations de voitures vers les États-Unis. La chancelière Angela Merkel a rétorqué que la critique du surplus commercial allemand par M. Trump était « inappropriée ».

Qui a raison ? Essayons de tirer cette question au clair.

On parle de surplus commercial lorsqu'un pays exporte (vend aux étrangers) plus qu'il n'importe (achète des étrangers). Un pays est en déficit commercial dans le cas contraire, soit lorsqu'il importe plus qu'il n'exporte. Actuellement, l'Allemagne est en situation de surplus commercial avec le reste du monde ; les États-Unis sont en déficit commercial.

M. Trump semble cependant préoccupé par quelque chose de plus étroit, soit les surplus ou déficits commerciaux entre deux pays, soit l'Allemagne et les États-Unis. Ici, M. Trump est définitivement dans l'erreur.

Prenons le cas d'une personne qui travaille et vend ses services contre rémunération et qui achète d'autres personnes ses aliments, ses vêtements, bref, la plupart de ses biens de consommation. Cette personne surveille sans doute le niveau de ses achats globaux (ses importations) par rapport à son revenu (soit ses exportations de services). Mais elle n'a pas de raison de craindre un déficit face à une personne. Concrètement, vous vous balancez, à juste titre, du fait que vous avez un déficit face à votre dentiste (vous achetez plus d'elle que l'inverse) ou un surplus avec votre employeur, qui achète plus de vous que vous de lui. Ce qui vous importe bien plus, c'est le solde de vos échanges, c'est-à-dire le fait que vous dépensiez plus ou moins que votre revenu.

À l'échelle d'un pays comme les États-Unis, se préoccuper du déficit commercial face à l'Allemagne n'a pas plus de sens que de s'inquiéter du déficit des échanges entre une personne et un commerçant qui la fournit. Je crois qu'on peut considérer que c'est un à zéro pour Mme Merkel jusqu'ici.

La question plus large des surplus ou déficits globaux d'un pays, qui préoccupe aussi beaucoup M. Trump, mérite une réflexion plus profonde. Traçons un lien avec le cas de la personne qui vend ses services à son employeur et qui achète son panier de consommation auprès d'autres personnes. Le solde de ses échanges dépend du fait qu'elle dépense plus ou moins que son revenu. De la même façon, le solde commercial global d'un pays dépend des mêmes facteurs. Une situation de déficit commercial révèle tout simplement que ce pays dépense plus que ses revenus ; un surplus commercial démontre un niveau de dépense inférieur aux revenus.

L'Allemagne a donc un surplus commercial pour une raison simple : globalement, ses citoyens et son gouvernement sont en surplus budgétaire. L'Amérique de M. Trump est en situation de déficit commercial parce que ses citoyens et son gouvernement dépensent plus que leurs revenus. Essentiellement, la faute revient au gouvernement, puisque le palier fédéral américain a un déficit budgétaire de plus de 3 % du PIB, contre un surplus de près de 1 % pour le gouvernement de Mme Merkel. Autrement dit, même si le public américain dépense moins que ses revenus, le gouvernement fait l'inverse. Le résultat global aux États-Unis est un déficit des revenus sur les dépenses, et un déficit commercial.

Le solde commercial d'un pays a peu à voir avec le fait que ce pays pratique des politiques commerciales justes ou pas. C'est plutôt le niveau des dépenses par rapport aux revenus (dont ceux du gouvernement) qui est déterminant. Si M. Trump veut combattre le déficit commercial américain, il devrait se demander comment éliminer le très important déficit budgétaire de son gouvernement, plutôt que de se tourner vers le protectionnisme.

Deux à zéro pour Mme Merkel.

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher, Current Affairs at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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