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L’Ontario se lance dans le revenu minimum garanti

Dès l’été prochain, le gouvernement de l’Ontario va donner des milliers de dollars à certains de ses citoyens. Sans condition. C’est ce qu’on nomme un revenu minimum garanti (RMG). La province va en effet démarrer un projet-pilote auprès de 4000 résidants dans 5 régions. Ces personnes vont recevoir un montant d’environ 17 000 $ pour une personne vivant seule et 24 000 $ pour un couple.

On discute un peu partout et depuis des décennies de la possibilité d’instaurer de tels programmes, avec des variantes. Il y a quelques mois, les ministres québécois Leitao et Blais ont mis sur pied un comité d’étude sur le sujet

Dans les années 1970, une telle expérience a eu lieu au Manitoba. Plusieurs pays envisagent aujourd’hui d’aller dans cette voie.

En théorie, les avantages derrière le RMG sont nombreux. Premièrement, il permettrait d’éliminer une bonne partie de la bureaucratie gouvernementale, car il pourrait remplacer plusieurs programmes, dont l’aide sociale, l’assurance-emploi, les subventions au logement et les bourses de subsistance aux étudiants. Pour certains, dont l’économiste Milton Friedman, un RMG généreux, combiné à un impôt négatif, permettrait à l’État de se désengager de plusieurs de ses missions actuelles. Deuxièmement, un RMG aiderait à réduire la pauvreté. Finalement, il pourrait aider ceux qui le désirent à poursuivre leurs études ou à vaquer à d’autres activités, dont les arts.

Si c’est si bon, pourquoi n’y sommes-nous pas déjà passés ? Comme on dit en anglais, « le diable est dans les détails ». Si le programme ontarien s’ajoutait à tous les programmes existants et qu’il ne comprenait pas de clause de récupération d’une partie du chèque gouvernemental, il coûterait entre 120 et 170 milliards de dollars par année. Si l’on récupère un pourcentage des gains de travail (ce qui est le cas du projet ontarien) et si l’on élimine ou réduit des dépenses de programmes actuels, le coût budgétaire serait évidemment plus faible, mais sans doute encore substantiel. Il faudrait donc augmenter fortement les impôts, ce qui entraînerait des effets néfastes sur la croissance et les revenus.

Un deuxièmement problème a trait aux effets sur la participation au marché du travail, qui risquent d’être très importants. Afin de réduire le coût budgétaire, le programme ontarien taxe les revenus des personnes, au-delà du montant du RMG, à un taux de 50 %. Autrement dit, si vous avez droit au montant de 17 000 $, chaque dollar gagné en supplément ne vous rapporte que 0,50 $.

Examinons le cas d’une jeune travailleuse au salaire minimum ontarien, soit de 11,40 $ l’heure. Si elle travaille 40 heures par semaine durant 50 semaines, cette personne gagne 22 800 $ durant l’année. Plusieurs économistes croient qu’elle risque fort de décider que 17 000 $ sans effort, c’est mieux que 28 400 $ en continuant à travailler 40 heures par semaine (faites le calcul). Ou du moins, qu’elle travaillera moins que maintenant, surtout qu’à un taux de taxation de 50 % sur ses gains, elle ne gagne plus 11,40 $, mais plutôt 5,70 $ l’heure. Chaque heure travaillée devient donc moins intéressante.

Les effets risquent d’être d’autant plus importants que la personne est jeune et peu intégrée au marché du travail et que le taux de taxation des revenus supplémentaires est élevé. Et il ne faut pas oublier les effets potentiels sur le travail au noir : si on vous taxe à 50 % sur chaque dollar gagné jusqu’à concurrence de 17 000 $, un travail non déclaré n’en est que plus intéressant.

Bref, le revenu minimum garanti n’est pas une panacée. Mais, pour une fois, on aura la chance de laisser quelqu’un d’autre tenter une expérience sociale dont les résultats sont très incertains. Observons-la de loin.

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher, Current Affairs at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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