Les taxes sur les vices et la guerre aux pauvres
Plus on taxe la cigarette et l’alcool, plus on fait mal aux pauvres. Et si l’État taxe davantage les boissons gazeuses, les p’tits gâteaux Vachon et autres gâteries, on va juste continuer à appauvrir davantage les plus démunis.
Nos gouvernements en sont-ils conscients? De la manière dont ils agissent depuis quelques années, sur le plan fiscal, on dirait qu’ils voient les plus pauvres comme une clientèle captive, facile à taxer. J’en ai pour preuve ces quelques chiffres :
- La taxe québécoise sur le tabac est passée de 8,60 $ en l’an 2000, pour une cartouche, à 29,80 $ en 2017. On parle ici de huit hausses différentes en 17 ans, soit un total de 247 % d’augmentation.
- La taxe d’accise fédérale sur le tabac était de 8,36 $ en l’an 2000 pour une cartouche. En 2017? De 21,56 $. Sept hausses différentes totalisant 13,20 $, ou 158 % d’augmentation pour la période.
- Pour les Québécois, ces hausses entraînent une augmentation du prix de la cartouche de cigarettes de 34,40 $, soit 203 % depuis l’an 2000. La taxe combinée était de 16,96 $ en l’an 2000, elle est aujourd’hui de 51,36 $.
Or, il faut savoir une chose : les Québécois les plus pauvres fumaient 50 % plus que les Québécois plus riches, selon les dernières données disponibles (2009). Les ménages québécois fumeurs les plus pauvres étaient également touchés quatre fois plus durement par les différentes taxes sur le tabac. En effet, ces derniers dépensent 5,2 % de leur revenu en taxes sur le tabac, alors que les riches, eux, n’y consacrent que 1,4 % de leur revenu.
Dans le cas du tabac, soulignons que non seulement ce genre de hausse est une guerre aux plus pauvres, mais qu’elle incite aussi les gens à s’approvisionner sur le marché noir.
Aussi, il faut comprendre que la prévalence du tabagisme diminue rarement de façon significative suite à une hausse de taxe. Cela s’explique par le fait qu’une réduction initiale de consommation est généralement suivie par l’atteinte d’un seuil auquel les utilisateurs restants ne modifieront plus leur comportement (par exemple les fumeurs, dont la demande est plutôt inélastique). Les taxes puritaines deviennent alors des taxes punitives pour cette partie de la population.
Et l’alcool?
Qu’en est-il de l’autre « vice » facile à taxer, l’alcool?
De prime abord, ça semble mieux de ce côté. Depuis 2012, la taxe provinciale sur la bière achetée dans les bars et restaurants a diminué de 0,02 $ le litre, et celle sur le vin de 0,57 $ le litre. Pas si mal, dites-vous?
Le problème est que les mêmes taxes pour la bière et le vin achetés au magasin (et consommés) à la maison ont augmenté respectivement de 0,23 $ et 0,51 $ le litre. Le choix n’est pas innocent. Où pensez-vous que nous achetons le plus d’alcool?…
Encore une fois, les moins nantis payent le gros prix, puisque la part de leurs revenus consacrés à l’alcool est proportionnellement plus élevée.
Bien sûr, on a enfin eu droit à des baisses de prix à la SAQ dernièrement, mais pour des produits spécifiques. D’ailleurs, le prix des produits à la SAQ est toujours très élevé par rapport aux produits équivalents, notamment aux États-Unis ou eu Europe.
Enfin, certains avanceront que les taxes « puritaines » sont parfois justifiées par la mise en place d'un financement dédié à un programme spécifique. Mais trop souvent, les fonds récoltés sont détournés pour des dépenses gouvernementales autres que celles qui en avaient justifié la création.
Les groupes de pression en veulent encore plus!
Mais certains groupes n’ont que faire de ces faits (et des pauvres?), et continuent obstinément à demander plus de « taxes puritaines » et plus de réglementations. Au point que les têtes du Capitaine Crunch et de Ronald McDonald sont maintenant mises à prix!
Par exemple, le Regroupement pour un Québec en santé veut une augmentation de la taxe sur le tabac qui atteindrait le niveau recommandé par l’OMS, soit 70 % du coût total d’un paquet! Aussi, une taxe sur les boissons sucrées atteignant le niveau recommandé par l’OMS, soit 20 % du coût total d’une bouteille ou canette.
La Coalition Poids n’est pas en reste. Elle ne souhaite rien de moins que le retrait des boissons sucrées dans les établissements, lieux et évènements publics, interdire les fontaines en libre-service dans les restaurants, tout en régissant « l’offre alimentaire » dans les pharmacies.
Elle veut également taxer les boissons sucrées, soutenant que « la dissuasion financière servant à faire la promotion de comportements sains a fait ses preuves ».
Le gouvernent se drape de bonnes intentions en taxant l’alcool et la cigarette. Mais son réel objectif est tout autre : il veut les rentrées fiscales que ces taxes rapportent. C’est comme si les politiciens parlaient finalement des deux côtés de la bouche : ils veulent l’argent (parce qu’ils sont en général incapables de contrôler les dépenses de l’État), mais ils se couvrent de bonnes intentions en envoyant le message d’un gouvernement qui prend soin des citoyens.
Si le gouvernement surtaxe le cola, ou tout autre aliment jugé « nocif », il dira que c’est pour des raisons de santé publique, alors que la vraie raison est probablement qu’il veut davantage – et toujours plus – de l’argent des autres!
Jasmin Guénette is Vice President of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.