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Un avenir hydroélectrique commun pour Québec et Terre-Neuve-et-Labrador?

Selon ce que rapportent certains médias, le premier ministre Philippe Couillard serait engagé dans un dialogue avec son homologue terre-neuvien à propos du projet hydroélectrique de Churchill Falls. L'ouverture à une nouvelle collaboration entre Québec et Terre-Neuve-et-Labrador est exprimée tant par le gouvernement, par la voix du ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier, que du chef du deuxième groupe d'opposition, François Legault.

L'opportunité est trop belle pour ne pas voir plus large, même au-delà de Churchill Falls. Nalcor Energy, l'équivalent d'Hydro-Québec, est aux prises avec un projet de centrale à Muskrat Falls dont les dépassements de coûts sont tellement élevés qu'ils menaçaient de déséquilibrer l'économie de la province, n'eut été de l'intervention du gouvernement fédéral. 

Le potentiel hydroélectrique inexploité du Labrador est encore vaste, soit environ 7000 mégawatts, dépassant Churchill Falls et ses 5500 mégawatts. Hydro-Québec possède toute l'expertise voulue pour reprendre en main Muskrat Falls et pour contribuer à la mise en valeur des projets les plus rentables lorsque les conditions du marché seront favorables. Sa capacité financière lui donne un avantage supplémentaire. Par contre, sa rentabilité dépend en grande partie de l'entente de Churchill Falls, une coentreprise dont Hydro-Québec possède 34 % et dont elle achète la production à très bas coût. 

Selon les calculs de Claude Garcia dans un Cahier de recherche publié par l'IEDM, sans cette entente avantageuse, ce sont 75 % des profits d'Hydro-Québec qui auraient disparu en 2007. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador conteste depuis des années les dispositions de cette entente en cour, mais a toujours été débouté. 

Peut-on imaginer une solution gagnante et honorable pour les deux gouvernements et les deux entreprises d'État qui règle les litiges, permette le développement du potentiel du Labrador et assure que toutes les parties partagent désormais les mêmes intérêts? Nous pensons que oui.

La proposition

En échange d'une prise de participation en actions dans Hydro-Québec Production, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador lui confierait la propriété des centrales hydroélectriques du Labrador et la responsabilité du développement du potentiel inexploité de cette région. 

Pour Hydro-Québec Production, il y a au moins deux avantages. Le premier est de pouvoir développer un potentiel hydroélectrique appréciable, un défi à la hauteur de son expertise technique et financière. Le second consiste à sécuriser sa principale source de sa rentabilité, l'approvisionnement de Churchill Falls, par l'abandon des procédures judiciaires. 

Du côté de Nalcor Energy et Terre-Neuve-et-Labrador, on s'assure de maximiser la valeur du potentiel hydroélectrique qui sera plus grande grâce à la collaboration avec le Québec. En effet, l'exportation de l'électricité vers le Nord-Est des États-Unis ou vers l'Ontario serait facilitée avec des lignes de transport passant par le réseau québécois et la capacité de stocker l'énergie dans les réservoirs existants au Québec. Surtout, le gouvernement recevrait à l'avenir des dividendes d'un producteur d'énergie propre et renouvelable, en plus d'éventuelles redevances hydrauliques.

Ce ne sont pas uniquement les gouvernements ou les sociétés d'État qui tireraient profit de cette entente. Les tarifs d'électricité des Québécois ne sont pas affectés par les coûts d'exploitation d'Hydro-Québec Production, uniquement par les coûts d'Hydro-Québec Distribution. 

Si certains risques associés aux projets du Labrador réduisaient la profitabilité d'Hydro-Québec Production en diminuant les dividendes versés, ces coûts seraient rapidement compensés puisque les deux actionnaires auraient avantage à maximiser la rentabilité à long terme de l'entreprise.

Enfin, Hydro-Québec jouira d'une meilleure gouvernance avec des membres du Conseil d'administration qui ne seront pas tous nommés par le gouvernement du Québec. Une telle entente aurait le potentiel de donner une discipline de marché à Hydro-Québec Production et d'éviter que les politiciens québécois ne l'utilisent pour des fins plus politiques qu'économiques, puisque le gouvernement du Québec n'en serait plus le seul actionnaire.

Avec une telle alliance stratégique, les deux provinces ont l'opportunité de restaurer entre elles des relations de bonne entente et de collaboration. Elles ont aussi l'impérieux devoir d'y réfléchir sérieusement. Notre proposition, formulée ici en termes généraux, à l'avantage d'offrir une piste concrète en ce sens.

Les auteurs souhaitent remercier Jacques Lamarre, homme d'affaires et conseiller senior, pour l'idée originale de ce texte.

Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the MEI, Youri Chassin, Economist and Research Director at the MEI, and Claude A. Garcia, Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this op-ed are their own.

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