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Un régime forestier à réformer

Le secteur forestier a vécu des années difficiles depuis la crise de 2008 et rien ne laisse croire que la situation sera plus rose dans le futur. Afin d'inciter l'industrie à investir pour se moderniser et demeurer compétitive, le gouvernement du Québec annoncera de nouvelles mesures lors du Forum innovation bois qui aura lieu à Rivière-du-Loup le 31 octobre prochain. Pourtant, c'est le gouvernement lui-même qui est en grande partie responsable du manque d'investissement dans cette industrie. En particulier, certains aspects du nouveau régime forestier entré en vigueur en 2013 devraient être revus pour corriger cette situation.

Au tournant des années 1970, on a observé l'émergence d'une tendance vers la centralisation des responsabilités en lien avec la gestion des forêts publiques entre les mains du ministère responsable des forêts. Depuis, le rôle de l'État est graduellement passé de régulateur dans un régime caractérisé par une plus grande autonomie pour les exploitants, à celui de planificateur qui s'est accaparé la presque entièreté des responsabilités.

Auparavant, les entreprises s'approvisionnant en forêts publiques étaient responsables de l'élaboration des plans d'aménagement forestiers qui comprennent notamment l'emplacement des récoltes à être exécutées, les types de coupes qui seront pratiquées et les travaux de voirie à réaliser. Aujourd'hui, il incombe au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs d'élaborer ces plans après de multiples consultations publiques d'une lourdeur byzantine.

Ce processus de planification est fondamental puisqu'il a des répercussions directes sur les frais d'exploitation, qui représentent en moyenne près de la moitié des coûts de production des usines de transformation. Puisque les usines s'approvisionnant en forêts publiques n'ont pratiquement plus aucune marge de manoeuvre, leur rentabilité dépend en grande partie du travail des employés du ministère.

Ceux-ci n'ont pas les mêmes incitations que les exploitants lorsqu'ils élaborent ces plans. L'inefficacité et le manque de considération économique du ministère imposent des délais et des dépenses supplémentaires. La multiplication des structures et la centralisation des responsabilités n'ont pas mené à une meilleure planification. 

Par ailleurs, la planification du ministère est faite à partir de données qui ne correspondent pas toujours à la réalité sur le terrain, ce qui la rend souvent sujette aux erreurs. Tout cela explique l'augmentation des frais d'exploitation de 11% observée peu après l'entrée en vigueur du nouveau régime, alors que le gouvernement prévoyait des économies.

Les exploitants doivent aussi composer avec un horizon beaucoup plus court pour gérer leurs activités. Sous l'ancien régime, les volumes de bois en forêts publiques étaient accordés pour une période de 25 ans, ce qui permettait une stabilité de l'approvisionnement. Désormais, les exploitants doivent composer avec des permis de récoltes accordés pour de très courtes périodes de temps, soit 5 ans ou moins selon la volonté du ministre. Un tel contexte rend l'approvisionnement difficilement prévisible et exacerbe les risques liés aux investissements et à l'embauche de la main-d'oeuvre.

Dans d'autres grandes régions productrices, les usines disposent généralement d'une plus grande latitude dans l'élaboration des plans d'aménagement forestier et d'un horizon plus long qui facilite la planification des investissements. Par exemple, le gouvernement de la Colombie-Britannique a revu l'orientation de son régime forestier pour réduire la complexité des réglementations en place et laisser plus de latitude aux intervenants pour ultimement diminuer les frais d'exploitation. Les volumes de bois y sont principalement alloués sur une période de 25 ans et les détenteurs de permis ont la responsabilité d'élaborer les plans d'aménagement forestier.

Le gouvernement du Québec devrait s'inspirer de ces réformes pour garantir un approvisionnement en bois stable et prévisible aux usines. Ainsi, il serait possible de donner un coup de pouce aux 60 000 travailleurs du secteur forestiers et 220 municipalités qui en dépendent fortement, et ce, sans nécessiter de nouveaux programmes de subventions.

Alexandre Moreau is a Public Policy Analyst at the MEI and the author of "Quebec’s Forest Regimes: Lessons for a Return to Prosperity." The views reflected in this op-ed are his own.

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