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Les professions réglementées : la vraie inégalité

On apprenait récemment en lisant le journal l’histoire d’un spécialiste du râpage de dents de chevaux. Cette profession inusitée est menacée par l’ordre des vétérinaires, qui voudraient être les seuls à pouvoir pratiquer ces soins. Au Canada, ce sont 20 % des professions qui sont réglementées et nécessitent une licence pour être pratiquées. Ces professions réglementées créent une classe privilégiée d'initiés dont la raison d'être est d'empêcher les autres d'exercer leur métier.

En effet, l’entrée dans plusieurs professions est difficile à cause de ces licences. Toutes ces restrictions ne sont pas condamnables. Ceux qui sont en faveur de ces systèmes soutiennent par exemple que les consommateurs ont un accès limité à de l’information à propos des qualifications des médecins ou encore des dentistes. Les licences et les autres limites au droit de pratiquer ces métiers nous assurent que ceux qu’on consulte ont vraiment reçu leur diplôme de médecine et ont fait une résidence.

Cependant, lorsqu’il s’agit de râpage de dents de chevaux, est-ce que ce problème d’information existe vraiment? Et ce n’est pas le seul métier où l’on peut s’interroger sur la nécessité d’avoir une licence pour pratiquer son métier. Vous avez par exemple besoin d'une licence pour être décorateur d'intérieur en Alberta, ou pour être coiffeur ou homéopathe en Ontario, ou pour être aromathérapeute partout au Canada.

Fondamentalement, il s’agit là d’inégalités. Non pas des inégalités de revenu, ou de richesse, qui sont à la mode en ce moment, mais de celles qui entravent la mobilité sociale et qui créent des différences dans la façon dont les gens sont traités par la loi. Et elles sont bien plus importantes parce qu’elles mettent des bâtons dans les roues des entrepreneurs et des ouvriers qui veulent améliorer leur situation.

Heureusement, seulement 1,5 % de tous les Canadiens sont restés sous le seuil de la pauvreté pour toute la période 2005-2010. La pauvreté est de moins en moins une condition permanente au Canada puisque toutes les classes sociales améliorent leur condition. Ces inégalités face à la loi créent toutefois des injustices en entravant la mobilité sociale.

Les inégalités dans le droit de pratiquer certains emplois affectent cette mobilité sociale particulièrement chez les immigrants et les gens avec de faibles revenus. Beaucoup des professions réglementées au Canada sont pourtant des métiers où ce problème d’information ne se pose pas vraiment. Les certifications volontaires ou des solutions technologiques basées sur la réputation pourraient remplir la même fonction en permettant aux consommateurs de communiquer entre eux à propos de la qualité du travail des différentes entreprises.

Le râpage de dents de chevaux est peu susceptible de devenir un métier qui va tirer beaucoup de gens de leur pauvreté. En revanche, la façon dont on tente de réglementer cette activité et de la rendre exclusive aux vétérinaires est emblématique d’un problème important. Si nous nous concentrions à limiter ce genre d’inégalités, le Canada pourrait devenir encore plus socialement mobile qu'il ne l'est déjà, et la pauvreté une condition encore moins permanente.

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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