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Remplacer les policiers par des agents de sécurité: Toronto s’y met aussi

Un rapport visant à moderniser la police de Toronto a récemment été publié et suggère d'avoir recours à des méthodes alternatives pour réduire les coûts de la police. Il propose entre autres de chercher des solutions moins onéreuses pour plusieurs fonctions actuellement remplies par la police. C'est un débat qui a aussi lieu à Montréal, en particulier à propos des agents de police qui gèrent la circulation.

Dans ce rapport, un comité d'experts de la ville de Toronto recommande de confier à du personnel civil diverses tâches: surveillance aux plages et piscines municipales, brigadiers qui font traverser les enfants à proximité des écoles, vérification des stationnements, sécurité des tribunaux et transport de prisonniers, ainsi que vérification des antécédents criminels.

Dans certains de ces cas, ce sont des choses qui sont déjà faites à Montréal. Par exemple, Stationnement Montréal est opéré par des civils. Le service fonctionne bien, ou du moins personne ne suggère de le changer. Au contraire, les débats portent actuellement sur l'extension de ce genre de système à la gestion de la circulation, en particulier dans les zones où il y a des travaux.

C'est que les policiers, qui sont du personnel spécialisé, sont entraînés pour avoir des performances élevées sur trois axes. Ils doivent savoir utiliser efficacement leur force physique, leur psychologie sociale pour désamorcer des conflits, ainsi que leur intellect pour interpréter rapidement des textes de loi parfois complexes. Mais certaines tâches simples et répétitives, comme gérer la circulation, ne demandent pas toutes ces compétences simultanément, ni des performances hors du commun. Elles pourraient être accomplies par des civils bien formés.

Dans une étude publiée l'an dernier, mon coauteur et moi notions que seulement 22 des 215 tâches effectuées régulièrement par les policiers demandent un niveau d'aptitude élevé sur les trois axes qui sont le cœur de leur métier. Pour les 193 autres tâches, des civils pourraient prendre le relais et, si ce devait être nécessaire, appeler les policiers pour répondre aux situations d'urgence ou pour procéder aux arrestations.

Les policiers patrouilleurs passent en moyenne aujourd'hui environ 40 % de leur temps à des tâches administratives, principalement la rédaction de rapports, au lieu d'utiliser leurs compétences spécialisées. Faire appel à des civils pourrait leur permettre de se concentrer davantage sur ces 22 tâches qui sont au cœur du métier de policier.

L'intérêt pour le contribuable est immense. Une fois pris en compte le salaire, les avantages sociaux et les taxes sur la masse salariale, la rémunération d'un policier du Service de police de la Ville de Montréal s'élève en moyenne à près de 120 000 $ par année, contre environ 40 000 $ pour un agent de sécurité au Québec.

En revanche, même si les agents de sécurité coûtent moins cher que des policiers, il ne s'agirait pas d'économies nettes, mais d'économies brutes. Il ne peut en effet s'agir d'économies nettes en termes financiers à court terme puisque les conventions collectives et la permanence ne permettraient pas de réduire les coûts de rémunération des services de police. C'est-à-dire que cela ne réduirait pas immédiatement les dépenses de sécurité de la Ville de Montréal, mais ouvrirait la porte à des réductions à long terme.

Ces économies brutes correspondent à du temps libéré pendant lequel les policiers peuvent être affectés à d'autres tâches qui correspondent davantage à leurs fonctions essentielles. Dans un contexte budgétaire comme celui de la Ville de Montréal, où l'administration municipale cherche à réduire le nombre de policiers, ces économies brutes pourraient être consacrées à la conservation du même niveau de services à la population malgré la réduction des effectifs policiers. À plus long terme, et conjuguées à une plus profonde réorganisation des services de police, ces économies brutes pourraient effectivement se transformer en économies nettes pour le contribuable en permettant de limiter les nouvelles embauches.

Il y a de la place pour l'innovation dans la façon dont les municipalités sont gérées. C'est dans l'intérêt du contribuable, puisque à long terme, on pourra enfin réduire le coût de la sécurité à Montréal ; dans l'intérêt des autorités municipales qui pourront enfin maîtriser ces budgets ; ainsi que dans l'intérêt des policiers, qui pourront enfin se concentrer sur ce pour quoi ils ont été formés. Toronto devrait suivre l'exemple de Montréal, et Montréal devrait faire appel à encore davantage d'agents de sécurité.

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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