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Grève au Vieux-Port de Montréal: les employés sont les grands perdants

Les syndiqués du Vieux-Port de Montréal, qui sont des employés du gouvernement fédéral, ont déclenché une grève le 27 mai dernier. Mais si vous allez faire un tour au Vieux-Port, vous ne le remarquerez probablement pas.

Pourquoi? Parce qu'une soixantaine de travailleurs de remplacement non syndiqués ont pris la relève depuis le début de la grève. Ces travailleurs assurent notamment la logistique lors des grands événements qui ont lieu sur le site, qui est sous la juridiction d'Ottawa.

Par contre, la Plage et la Tour de l'Horloge, ainsi que le Centre des sciences, entre autres, sont toutefois toujours fermés.

Pourquoi une grève? Parce que les employés syndiqués gagnent entre 10,75 $ (le salaire minimum) et 12,26 $. Le syndicat veut au minimum… tenez-vous bien… 15 $ l'heure, et ce dès cette année.

Oui, oui, le fameux 15 $ de l'heure qui fait l'envie de bien des syndicalistes du Québec depuis que l'État de New York et de la Californie ont annoncé leur intention de le mettre progressivement en place.

Sachez toutefois que la direction aurait offert une hausse de 9,5 % sur 4 ans – ce qui est tout de même supérieur au taux d'inflation.

Dans le conflit qui nous occupe, l'employeur n'est pas une PME, mais bien le gouvernement fédéral lui-même, qui voit bien les avantages de recourir à des travailleurs de remplacement. Le Québec a une loi anti-briseurs de grève, sauf que dans ce cas-ci elle ne s'applique pas puisque l'organisme relève d'Ottawa. 

Est-ce une mauvaise chose que de permettre l'embauche de travailleurs de remplacement? Non. Des études ont montré qu'au contraire, les réglementations anti-travailleurs de remplacement sont néfastes pour l'économie dans son ensemble, mais aussi, et surtout, pour les travailleurs eux-mêmes.

D'une part les plus petites entreprises sont particulièrement touchées par ce genre de réglementation et doivent souvent, pour régler le conflit, accepter des concessions qui diminuent leur productivité et leur rentabilité. En conséquence, l'entrepreneur diminue le nombre de ses employés ou fait appel à la sous-traitance.

La présence de restrictions à l'utilisation de «briseurs de grève», comme plusieurs aiment dire, est aussi associée à des taux d'emplois plus faibles et augmente la durée et la fréquence des grèves. On parle ici de 32 jours de grève de plus en moyenne et de 15 % à 27 % plus de conflits dans les pays ou régions ne permettant pas les travailleurs de remplacement.

Bref, s'il peut y avoir des gains à court terme pour les employés syndiqués, ces règles contribuent à affaiblir la compétitivité des entreprises québécoises et, à plus long terme, mettent en péril les emplois qu'au départ on souhaitait protéger. C'est ironique. C'est un peu comme demander au loup de surveiller la bergerie.

Mais surtout, dans le cas du Vieux-Port de Montréal, certains des employés en grève sont des travailleurs saisonniers, comme les étudiants qui travaillent à la plage du Quai de l'horloge pendant l'été. Si on se fie à ce qui se passe aujourd'hui, il y a peu de chances que le conflit soit réglé d'ici la fin de la saison. D'ailleurs, le Vieux-Port de Montréal a noté une augmentation de 35 % de sa fréquentation cet été, même si les employés syndiqués sont en grève depuis bientôt deux mois. Ces étudiants et étudiantes vont donc retourner à l'école sans avoir fait un sou durant leur été. C'est ce que j'appelle une grève payante!

Quand j'étais étudiant universitaire, je travaillais l'été pour une raffinerie dans l'est de Montréal. Je payais des cotisations syndicales et je devais me plier aux décisions du syndicat. S'il y avait eu une grève à l'époque, je peux vous assurer que je me serais trouvé un boulot ailleurs pour ne pas tout perdre, et c'est d'ailleurs peut-être ce que plusieurs des employés en grève ont fait.

C'est une grève absurde. Et je me pose la question : est-ce un cas typique d'un conflit mené par les leaders syndicaux, dans le cadre de leur campagne pour un salaire minimum à 15 $? Eux qui, contrairement aux employés saisonniers, ne vont pas souffrir de ne pas avoir de travail. Et qui sont de toute façon bien, mais vraiment très bien, rémunérés par leur centrale

Jasmin Guénette is Vice President of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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