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Cyber lundi: mettre fin à la concurrence déloyale

Selon Postes Canada, 76 % des ménages canadiens magasinent sur Internet.

Il s'agit d'un marché en croissance rapide estimé à 41,7 milliards de dollars US. Lorsqu'un consommateur canadien achète un bien ou un service chez un commerçant situé en dehors du Canada, il est toutefois très difficile de percevoir les taxes de vente sur cette transaction. Les taxes d'une certaine partie de ces achats à l'étranger ne sont donc pas perçues.

Le fait que ces achats soient moins coûteux désavantage les commerçants en ligne locaux, mais aussi les commerçants ayant pignon sur rue, qui subissent une forme de concurrence déloyale. Les gouvernements se privent également, à première vue, d'importants revenus. Quelles sont les solutions proposées pour remédier à la situation, et sont-elles réalistes?

Actuellement, les entreprises établies à l'étranger ne sont pas tenues par la loi de prélever les taxes de vente et de les remettre à l'Agence du revenu du Canada et à ses contreparties provinciales. Mis à part certaines grandes entreprises étrangères qui ont une présence canadienne, comme Amazon, dans bien des cas elles ne le font pas.

Les consommateurs canadiens sont alors censés payer les taxes de vente en déclarant eux-mêmes la TPS et, quand c'est le cas, la taxe de vente provinciale. En pratique, bien peu de ces «autocotisations» sont réellement faites. Par exemple, Revenu Québec n'en a enregistré que six en 2011 et cinq en 2012.

Les douanes ont bien sûr le mandat de filtrer les colis postaux et d'y appliquer les taxes de vente sur les produits d'une valeur supérieure à 20 $ lorsque cela n'a pas été fait par le commerçant, ainsi qu'une surtaxe punitive de 9,95 $, mais leurs ressources sont limitées et elles n'arriveront jamais à intercepter tous les colis. De plus, les douanes sont impuissantes face aux biens numériques et aux services en ligne.

Certaines voix s'élèvent au Canada pour mettre fin à l'autocotisation et pour exiger des commerces étrangers qu'ils perçoivent les taxes de vente directement. Le dernier budget du gouvernement québécois, par exemple, demandait au gouvernement fédéral d'intensifier ses efforts en ce sens. Cependant, il n'y a pas de raison de croire que les gouvernements étrangers seront particulièrement coopératifs à cet égard à court et à moyen terme, même si l'OCDE fait pression pour la signature d'ententes internationales.

En effet, il n'est pas dans l'intérêt des autorités fiscales d'un pays de surveiller des millions de transactions et de consacrer des ressources importantes à des poursuites au profit des percepteurs d'impôt d'un autre pays. Il n'est pas non plus réaliste de croire que les États-Unis, par exemple, mettraient du zèle à appliquer ce genre de pratique alors qu'ils refusent d'adopter des règles semblables pour leur propre commerce intérieur.

D'autres voix proposent que les taxes de vente soient prélevées par les sociétés de cartes de crédit, ou par d'autres intermédiaires du système de paiement comme les banques ou PayPal.

Au-delà des difficultés inhérentes à chacun de ces systèmes, exiger que les taxes soient prélevées à l'étranger par ces intermédiaires demanderait de toute façon la collaboration des autres gouvernements pour donner un cadre légal à ces prélèvements. Ces propositions nous renvoient donc à la case départ.

Éviter de payer les taxes de vente représente un attrait évident pour le consommateur, qui augmente alors son revenu réel. La recherche économique montre aussi que les taxes de vente ont des effets néfastes sur le commerce et l'économie en général.

Étant donné que l'application des taxes de vente à tous les achats en ligne aurait des effets négatifs importants à la fois pour le consommateur et l'économie, et que cette solution présente de toute façon des obstacles presque insurmontables, il faut trouver un compromis.

Des solutions?

La première de ces solutions pragmatiques concerne les biens numériques. Étant donné l'impossibilité dans les faits de percevoir les taxes lorsque ces biens numériques sont achetés à l'étranger, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pourraient les exonérer lorsqu'ils sont vendus par des entreprises canadiennes. Cette mesure mettrait les fournisseurs canadiens et étrangers de biens numériques sur un pied d'égalité.

Un second compromis serait d'aménager un taux de taxe de vente réduit pour le commerce électronique. Ainsi, les commerçants internet locaux seraient moins désavantagés par rapport à la concurrence étrangère.

Il existe des précédents: de nombreux pays ont deux ou même trois taux de taxe de vente selon les industries. Comme toutes les solutions de compromis, celle-ci n'est pas idéale, étant donné qu'elle favoriserait le commerce électronique au détriment du commerce traditionnel, alors que l'un des objectifs principaux d'une taxation optimale est la neutralité.

Compte tenu de la difficulté d'instaurer une coopération fiscale sur le plan international, ces deux solutions ont au moins l'avantage d'être réalistes.

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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