La privatisation d’Hydro One : un projet éclairant
Le gouvernement ontarien prévoit encaisser 9 milliards de dollars en vendant 60 % de la société d’État Hydro One. Cela devrait-il inspirer le gouvernement du Québec afin d’engager éventuellement la vente d’actions d’Hydro-Québec?
Commençons par tracer le parallèle juste avec le Québec. Hydro One ne produit pas d’électricité. C’est l’équivalent d’Hydro-Québec Distribution; grossièrement, ce sont des fils et des poteaux.
Des réserves
On pourrait dire que le gouvernement redonne Hydro One aux Ontariens, puisqu’ils seront sans doute nombreux, des caisses de retraite aux petits épargnants, à en acquérir des parts. Par contre, trois éléments du plan ontarien suscitent des réserves.
Premièrement, le but de l’exercice est de réduire un déficit budgétaire de 10,9 milliards de dollars en 2014-2015 et financer un plan d’infrastructures de 130 milliards de dollars sur 10 ans. Cette vente d’actif ne servirait donc pas à diminuer la dette et réduire les paiements d’intérêt, ce qui apparaît risqué.
Deuxièmement, la vente se fait sous une importante contrainte: les tarifs d’électricité demeureront sous le contrôle de la Commission de l’énergie de l’Ontario. Le premier appel public à l’épargne portera sur 15 % de l’entreprise, pour voir comment réagira le marché. Toronto espère tirer 2,25 milliards de cette première phase. Mais la valeur d’Hydro One sera certainement affectée par le contrôle des tarifs et donc des revenus de la société.
Troisièmement, aucun actionnaire ne pourra détenir plus de 10 % et le gouvernement demeurera l’actionnaire principal avec 40 % des parts. Ce genre de contraintes réduit encore la valeur d’Hydro One aux yeux des investisseurs.
Des avantages
Le plan ontarien n’est donc pas sans risque. Mais ce qui se passera outre-Outaouais devrait nourrir notre réflexion. Évidemment, Hydro One n’est pas Hydro-Québec. Hydro-Québec est un symbole puissant à la fois économique et identitaire. Mais si les Québécois sont attachés sentimentalement à la Manic, à la Baie-James et aux grands barrages, sont-ils pour autant attachés aux poteaux de distribution?
Plus encore, Hydro-Québec Distribution n’appartient pas vraiment aux Québécois, il appartient au gouvernement du Québec. C’est pourquoi ce dernier peut le forcer à subventionner l’industrie éolienne à hauteur de près de 700 millions de dollars par année, ce qui entraîne des hausses de tarifs.
Hydro-Québec a beau, par ailleurs, être une vache à lait pour l’État, sa performance, en termes de rentabilité ou de nombre d’employés par client, est faible en comparaison avec d’autres grandes entreprises dites d’utilité publique en Amérique du Nord, comme l’a déjà démontré l’IEDM.
Privatiser une partie d’Hydro-Québec Distribution pourrait être un moyen de recentrer la société d’État sur sa mission, de l’affranchir de l’ingérence politique, de la rendre plus efficace et de finalement mieux la mettre au service des Québécois. Aucun doute que plusieurs d’entre nous seraient fiers de posséder véritablement une part de cette entreprise.
Il est trop tôt pour dire que l’expérience ontarienne doit nous inspirer, mais on peut déjà dire qu’elle devrait nous éclairer.
Youri Chassin is Economist and Research Director at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.