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Op-eds

Frapper le mur

Le portrait du Québec présenté par le Centre sur la productivité et la prospérité dans son bilan annuel n’est pas réjouissant. On nous annonce des choix déchirants et des sacrifices. J’aurais tendance à dire qu’il n’y a pas grand-chose de nouveau dans ce rapport puisque les économistes et les analystes savent depuis belle lurette que le « modèle québécois » n’est pas sur une trajectoire viable à long terme. Faudra-t-il frapper un mur avant d’enfin redresser la situation?

Comme le dit Robert Gagné, l’auteur du rapport, « les économistes tiennent le discours mais les politiciens ne sont pas capables de livrer le message à la population». Les solutions existent, mais ne sont pas très populaires. Les programmes sociaux font bien notre affaire et personne ne se gêne pour en profiter. On compte sur le gouvernement pour fournir ces services. Couper, ça veut dire priver certains qui se feront entendre. Et ça n’aide pas à se faire réélire!

En plus, tout le monde ne s’entend pas sur les solutions. Certains disent qu’on peut très bien disposer de généreux programmes sociaux si seulement on taxe davantage les riches, les banques, les entreprises, alouette. La solidarité, c’est toujours « les autres » qui devraient en faire preuve envers nous. D’autres nient même le diagnostic d’un État surendetté en disant qu’après tout, le gouvernement du Québec dispose encore d’une bonne cote de crédit. Pas étonnant qu’il n’y ait pas de consensus sur ce qu’il convient de faire lorsqu’on ne veut même pas voir qu’il y a un problème!

Malheureusement, la réalité finira par nous rattraper tous collectivement. Les impôts ne peuvent plus augmenter davantage, comme l’a découvert à ses dépens le gouvernement du Parti québécois dans ses premiers mois au pouvoir. L’impôt maximum sur les revenus des « riches » est presque de 50 %. Les entreprises peuvent toujours aller investir ailleurs si l’herbe est plus verte chez nos voisins (plusieurs le font déjà). La dette ne pourra pas augmenter indéfiniment. Le déficit zéro a été reporté, mais combien de temps encore pourra-t-on dépenser sur la carte de crédit sans rembourser?

Je crois que les Québécois sont en grande majorité raisonnables et qu’ils comprennent que si on veut prendre soin des aînés, des malades et des jeunes qui veulent une éducation, le gouvernement n’a plus les moyens de maintenir tous les programmes existants. Ça veut dire que les cadeaux fiscaux aux entreprises préférées des politiciens devront cesser, y compris au monde agricole, que les places en garderies à 7$ seront réservées à certaines familles, que les congés parentaux seront moins longs, que les retraites des fonctionnaires ne seront plus aussi généreuses… et la liste pourrait s’étirer longtemps.

Par contre, tout n’est pas noir. En fait, si le gouvernement du Québec est en eaux troubles et qu’il effectue des compressions, il devra s’occuper mieux de l’essentiel et laissera davantage chacun de nous faire des choix qui nous conviennent davantage que ce que nous offrent les services publics. Ceux qui ont la fibre entrepreneuriale verront des occasions d’affaires. D’autres profiteront de services bien gérés et de qualité. On redécouvrira qu’il est possible de ne pas attendre indéfiniment pour se faire soigner ou pour trouver une place en garderie. On ne paiera plus autant d’impôt sur nos chèques de paie.

En fin de compte, l’échec du modèle québécois n’aura été que l’échec de l’État à tout crin. Quand le gouvernement cessera d’être omniprésent dans nos vies, nous ferons nos propres choix, selon nos valeurs et nos priorités. Quand les politiciens se retireront du chemin, ce sont les Québécois eux-mêmes, pas moins futés que les autres, qui trouveront des solutions originales à leurs besoins. Et ça, c’est une perspective réjouissante!

Youri Chassin is an Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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