fbpx

Op-eds

La pensée magique de Legault

Le week-end dernier, François Legault a révélé son Projet Saint-Laurent visant à décontaminer des centaines de terrains sur les berges du majestueux fleuve Saint-Laurent, dans l’espoir d’y attirer des entreprises.

Je l’avoue candidement, le discours que tient M. Legault ne me laisse pas indifférente. Non pas en raison du portrait idyllique qu’il brosse, mais bien parce qu’il repose sur la pensée magique et sur une méconnaissance abyssale de la problématique!

Implicitement, M. Legault suppose que si les entreprises ne s’installent pas au Québec, c’est parce qu’elles trouvent que les berges du fleuve sont trop polluées.

De tous les irritants avec lesquels les entreprises doivent composer, de toutes les mesures qui font obstacle à l’investissement, de toutes les politiques qui découragent l’entrepreneuriat, la CAQ ne voit rien de plus urgent que de s’attaquer à la décontamination des berges!

7,8 milliards en subventions

M. Legault devrait savoir qu’en 2009, année la plus récente pour laquelle des statistiques sont disponibles, les entreprises québécoises ont reçu pour 7,8 milliards $ de subventions, soit 993 $ par habitant. C’est plus du double des montants octroyés en moyenne aux entreprises situées ailleurs au Canada.

Malgré tout, le Québec connaît depuis plusieurs années un déficit entrepreneurial par rapport au reste du pays : à peine 10,2 % de la population québécoise adulte est propriétaire d’entreprises contre 17,5 % dans le reste du Canada. De plus, le Québec a enregistré une diminution de 6,5 % du nombre d’emplacements commerciaux par habitant depuis 2002, contre 1,1 % dans le reste du Canada.

En ce qui concerne la performance des entreprises québécoises, le portrait n’est guère plus reluisant : la productivité des entreprises québécoises est parmi les plus faibles en Amérique du Nord, tout comme le taux de croissance de la productivité. Pis encore : le taux de faillite au Québec est de 3,2 par 1000 entreprises contre 1,1 dans le reste du Canada, et un taux d’insolvabilité de 4,3 par 1000 entreprises contre 1,4 dans le reste du Canada.

Les études visant à expliquer la faiblesse de l’entrepreneuriat en dépit des subventions colossales qui lui sont octroyées sont nombreuses, et M. Legault devrait en prendre connaissance. Il réaliserait alors que la pollution des berges du Saint-Laurent ne figure jamais parmi les facteurs explicatifs.

Lourde bureaucratie

En revanche, les entreprises québécoises se plaignent de la lourde bureaucratie, alors que leur fardeau est 16 % plus élevé que dans l’ensemble du Canada et 26 % plus élevé qu’en Ontario. Elles invoquent également les taxes sur la masse salariale relativement plus élevées que dans le reste du Canada, ainsi que l’ensemble des lois relatives au marché du travail qui minent la création d’emplois. Au chapitre du climat d’investissement, lequel tient compte du régime fiscal, des infrastructures de transport et des finances publiques, le Québec arrive au septième rang au Canada.

M. Legault a raison de vouloir encourager l’investissement au Québec. Mais faire de la décontamination des berges son cheval de bataille est risible. C’est comme planter des fleurs à l’entrée d’un édifice en train de s’écrouler. Allons, un peu de sérieux, M. Legault, et ayez le courage de vous attaquer aux vrais problèmes qui sabotent le potentiel économique du Québec!

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute. The views reflected in this column are her own.
* This column was also published in Le Journal de Québec.

Back to top