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Op-eds

Les souverainistes alimentaires font fausse route

Op-ed published exclusively on the Montreal Economic Institute's website.

Le ministre de l'Agriculture François Gendron s’entretiendra sous peu avec des représentants des milieux agricole et alimentaire, afin de finaliser sa nouvelle politique agroalimentaire. La question fondamentale de sécurité alimentaire, qui vise à fournir l’accès régulier à une alimentation abordable, saine, nutritive et suffisante pour les plus démunis, ne sera malheureusement pas au coeur des préoccupations. Fidèle au programme de son parti, le ministre fera plutôt la promotion de la souveraineté alimentaire. Cette perspective préconise une augmentation importante la consommation de produits québécois en érigeant des entraves au commerce international pour favoriser la production locale. Selon ses partisans, une telle agriculture de proximité aurait d’importants bénéfices environnementaux, économiques et de sécurité alimentaire. Voilà pour la théorie.

En pratique cependant, une politique de souveraineté alimentaire ne ferait qu’exacerber les problèmes que ses partisans disent vouloir combattre. Ce serait par conséquent un choix mal avisé pour les Québécois.

Insécurité alimentaire

La souveraineté alimentaire ne ferait qu’accroître l’insécurité alimentaire des populations, car toutes les productions agricoles sont périodiquement victimes de problèmes liés au climat (des grêles aux sécheresses), aux insectes ravageurs, aux rongeurs et à diverses maladies des plantes et des animaux. Historiquement, les échanges internationaux ont permis de répartir les risques inhérents aux productions agricoles en acheminant les surplus de certaines régions vers d’autres où les récoltes ont été mauvaises, prévenant par le fait même une hausse autrement plus rapide des prix dans les régions en difficulté. Paradoxalement, les souverainistes alimentaires disent vouloir réduire les risques liés à notre approvisionnement alimentaire en plaçant une proportion beaucoup plus importante de nos oeufs dans le même panier!

Des pertes économiques

Dans un marché libre, la spécialisation régionale des productions agricoles résulte essentiellement d’avantages régionaux comme la qualité des sols et le climat. Promouvoir la consommation de denrées locales non concurrentielles implique donc obligatoirement plus d’intrants (eau, pesticides, serres chauffées, etc.) et de surfaces agricoles, ce qui se traduit par des prix beaucoup plus élevés. Le gain économique de l’agriculteur protégé de la concurrence se fait aux dépens des consommateurs qui doivent payer davantage pour leur approvisionnement.

Vers une agriculture québécoise non durable?

La souveraineté alimentaire est aussi moins durable, car elle décourage l’utilisation efficace des ressources agricoles mondiales. Faire pousser des tomates au Québec requiert en effet plus d’énergie qu’au Mexique, par exemple. De plus, l’argument selon lequel une plus grande production locale réduit les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne tient pas non plus la route. Les segments liés à la production (ensemencement, récolte, entreposage, transformation, etc.) ont un impact beaucoup plus important sur ce plan que le transport sur de longues distances (presque vingt fois plus selon une étude américaine). Produire autant que possible dans les zones les plus appropriées permet donc, malgré de plus grandes distances parcourues, de réduire bien davantage les GES que l’agriculture de proximité.

Loin d’être bénéfiques, la souveraineté alimentaire et l’agriculture de proximité entraînent au contraire de plus grands dommages environnementaux, un appauvrissement des populations locales et une plus grande insécurité dans l’approvisionnement. Rappelons que c’est avant tout grâce à la libéralisation du commerce agricole que la proportion de la population mondiale mal nourrie est passée d'environ 40 % à 15 % au cours des six dernières décennies.

Pierre Desrochers is Professor at the University of Toronto Mississauga's Department of Geography and Associate Researcher at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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