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Taxer les boissons gazeuses : inefficace, voire contre-productif

L'obésité est un phénomène qui préoccupe à juste titre beaucoup de gens : la Coalition Poids rapporte que 57 % des adultes et près d'un enfant sur quatre souffrent d'embonpoint ou d'obésité au Québec. Dans le cadre de la campagne électorale, cet organisme a d'ailleurs interpellé ce jeudi les partis politiques pour qu'ils s'engagent à adopter des mesures de prévention de l'obésité.

Dans l'ensemble, les propositions mises de l'avant par cet organisme sont de bonnes suggestions et font appel à l'instauration de saines habitudes de vie.

  • Promouvoir l'activité physique.
  • Développer les compétences culinaires dans les écoles.
  • Faire bouger les jeunes.

Toutefois, l'instauration d'une taxe sur les boissons sucrées dont les boissons gazeuses, risque fort de rater la cible. Malgré toutes les bonnes intentions derrières cette idée de la Coalition Poids, dans les faits, les recherches économiques montrent que taxer les boissons sucrées aurait peu d'effet et pourrait même entraîner une hausse de l'apport en calories.

D'abord, les boissons sucrées représentent une faible portion des calories que nous ingérons chaque jour. Selon l'Association canadienne des boissons, qui cite des données de Statistique Canada, environ 2,5 % de nos calories proviennent des boissons gazeuses et 1,4 % des jus de fruits. Même si une taxe devait réduire la consommation de boissons sucrées de moitié, le taux d'obésité ne risque donc pas de changer substantiellement.

En fait, au cours de la dernière décennie, la consommation de boissons gazeuses a chuté de 30 % alors que le taux d'obésité continuait d'augmenter.

Ensuite, il faut se demander si les plus grands amateurs de boissons sucrées – ceux qui sont ciblés par cette politique – réduiront véritablement leur consommation. Dans une étude publiée en 2009 par le National Bureau of Economic Research, des économistes ont constaté que les taxes sur l'alcool ont eu pour effet d'en réduire la consommation aux États-Unis, mais pas les maladies et accidents liés à celle-ci. En effet, les personnes buvant avec modération ont réduit leur consommation d'alcool bien davantage que les gros buveurs.

Le même phénomène s'observe pour les boissons gazeuses et sucrées. Selon une étude récente publiée dans le Journal of Public Economics et portant sur la consommation de boissons gazeuses chez les jeunes, une hausse de taxe d'un point de pourcentage réduit la consommation de calories des boissons gazeuses de six calories par jour – un effet minime qui n'aurait pas d'effet notable sur l'obésité. De plus, cette même étude a constaté qu'une taxe pourrait avoir l'effet pervers d'encourager les consommateurs à se tourner vers des substituts contenant davantage de calories. En somme, la consommation totale de calories augmenterait au lieu de diminuer, ce qui exacerberait le problème de l'obésité.

Il est tentant d'avoir recours à la taxation comme moyen facile de réduire le taux d'obésité. En pratique, cette solution ne serait qu'une taxe supplémentaire qui aurait un impact à peu près nul sur l'apport calorique quotidien. Jamais une taxe ne pourra remplacer la responsabilité que nous devons assumer envers notre santé et celle de nos enfants.

La Coalition Poids devrait se concentrer sur ce qu'elle fait à merveille : sensibiliser les Canadiens à prendre soin de leur santé par l'adoption de saines habitudes de vie plutôt que de se lancer sur le terrain hasardeux de la taxation.

Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this column are his own.

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