L’Amérique en colère
Le mouvement Occupy Wall Street (Occupons Wall Street), qui a débuté il y a bientôt trois semaines, gagne du terrain. En plus des manifestations qui sont maintenant organisées dans plus d’une centaine de villes américaines, d’autres se préparent dans plusieurs villes canadiennes, dont Toronto et Montréal.
Les insurgés prétendent représenter les 99 % de la population qui refusent de tolérer plus longtemps la cupidité et la corruption du 1 % restant. Ils déclarent également vouloir imiter le printemps arabe. Toutefois, alors que les manifestants égyptiens réclamaient le départ du président Hosni Moubarak et une transition vers la démocratie, ceux de Wall Street semblent confus. Certes, des listes de demandes circulent sur le site officiel, mais ceux qui occupent la rue semblent ignorer leur existence.
Les rebelles apparemment sans cause partagent néanmoins un point commun: ils souhaitent tous la fin du capitalisme et une plus grande redistribution des richesses. Or, cette revendication a un corollaire, à savoir l’instauration d’un régime socialiste, voire communiste. Ils sont encouragés par quelques vedettes de la gauche américaine, comme Michael Moore, Noam Chomsky et Susan Sarandon, ainsi que par de nombreux syndicats qui font porter à l’économie de marché l’entière responsabilité des maux qui affligent l’Amérique.
Mais qu’est-ce qui alimente la haine viscérale des manifestants envers le capitalisme? Sur les pancartes qu’ils agitent, on peut lire leur frustration à l’égard des montants astronomiques dépensés pour les divers plans de sauvetage. Ils ont raison de dénoncer ce gaspillage éhonté de fonds publics. Toutefois, c’est dans la philosophie collectiviste qu’on fait payer aux contribuables les erreurs de gestion des entreprises et non dans la logique capitaliste. Au contraire, le capitalisme défend la responsabilité individuelle et exige que chacun assume les conséquences de ses choix.
Le mouvement dénonce le chômage élevé, qu’il attribue à l’appât du gain des grandes entreprises. Quel illogisme! Pour réaliser des profits, les entreprises doivent pouvoir produire et vendre. Alors, en quoi le fait de licencier des travailleurs et d’avoir une armée de chômeurs fauchés et endettés en guise de consommateurs peut-il bien servir leurs desseins? En fait, ce qui torpille l’économie, ce sont deux principes collectivistes: le cadre réglementaire débilitant et la fiscalité étouffante.
Le mouvement rend les banquiers responsables de l’éclatement de la bulle immobilière et de l’endettement élevé des Américains. Or, qui donc a adopté des lois comme le Community Reinvestment Act pour forcer les institutions financières à prêter à des gens insolvables? Nul autre que les bien-pensants de Washington! Qui a inondé le marché de capitaux et réduit les taux d’intérêt jusqu’à 1 % pour encourager l’emprunt, sinon la Réserve fédérale?
Ce n’est donc pas le capitalisme qui est coupable, mais bien l’interventionnisme extrême et débridé, ainsi que le copinage et le népotisme qui sévissent à Washington. Les manifestants ont raison d’être en colère, mais ils se trompent en occupant Wall Street. C’est devant la Maison-Blanche qu’ils devraient camper!
Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.
* This column was also published in Le Journal de Québec.