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Le poids de la dette du Québec est-il préoccupant?

Article published exclusively on the Montreal Economic Institute’s website.

Le gouvernement du Québec présentait dans son budget de la semaine dernière un portrait de sa dette et de ses déficits budgétaires. Comme chaque fois, le débat sur l’importance de la dette reprend[1], certains y voyant une source d’inquiétude et d’autres un outil légitime pour reporter les choix difficiles. Pour sa part, Jean-François Lisée souhaite qu’on réduise la dette du Québec, mais souligne du même souffle qu’on s’endette moins vite qu’ailleurs puisque notre déficit serait plus modeste. La question se pose : la dette est-elle vraiment préoccupante?

Le Québec possède la dette publique la plus imposante parmi les provinces canadiennes, peu importe la manière dont on mesure cet endettement. Aucune autre province n’a une dette brute de plus de 40 % ou un déficit cumulé de plus de 25 % de son PIB. Le Québec fait figure d’anomalie! À l’échelle internationale, le ministère des Finances a établi que le Québec se classe parmi les nations les plus endettées selon la méthodologie de l’OCDE, peu importe la mesure utilisée (dette brute ou nette)[2].
 

Dette au 31 mars 2010 selon différents concepts

 

Province la plus endettée

Deuxième province la plus endettée

 Dette brute
 Dette nette
 Déficits cumulés

Québec (53,8 %)
Québec (49,4 %)
Québec (35,4 %)

Terre-Neuve et Labrador (39,9 %)
Nouvelle-Écosse (38,0 %)
Nouvelle-Écosse (24,5 %)

Source : Ministère des Finances du Québec, Plan budgétaire 2011-2012, p. D. 16.

L’augmentation de la dette ne dépend pas seulement du déficit

Il est vrai que les déficits du Québec sont moins élevés qu’ailleurs, notamment que ceux de l’Ontario ou du gouvernement fédéral. Il s’agit du principal argument de Jean-François Lisée pour ne pas trop s’inquiéter du poids de la dette. Cependant, si notre déficit est plus modeste, c’est surtout parce que la récession a été moins grave au Québec. Un déficit de même ampleur ici qu’ailleurs aurait donc été surprenant et bien plus inquiétant.

Malheureusement, le déficit n’est pas la seule source d’augmentation de la dette. Les investissements en infrastructures, notamment, la font aussi gonfler. C’est pourquoi la dette du secteur public a augmenté de 13 milliards de dollars l’an dernier, alors que le déficit fut de 4,2 milliards de dollars. Le compteur de la dette de l’IEDM, fondé sur la hausse moyenne des cinq dernières années, a sous-estimé l’accroissement de la dette du secteur public de 6 milliards de dollars. Les déficits plus petits au Québec ne sont donc pas toujours une bonne indication de la « vitesse d’endettement »!

Rappelons que la dette du secteur public, celle sur laquelle on paie le service de la dette, contient aussi le passif des régimes de retraite des employés du secteur public. Évalué à 71 milliards de dollars au 31 mars 2011, ce passif représente ce que le gouvernement doit aux fonctionnaires qui ont pris ou qui prendront leur retraite, mais qu’il n’a pas mis de côté lorsqu’il leur octroyait de généreuses conditions de retraite. Selon les données de Statistique Canada, il s’agit encore là d’un cas relativement unique puisque c’est au Québec que se trouvent plus des trois quarts de ces passifs des régimes de retraite des fonctionnaires parmi toutes les provinces[3]. Et cette dette-là aussi a augmenté plus vite que prévu!

Le défi démographique du Québec

Enfin, c’est le Québec qui fait face au plus grand défi démographique parmi toutes les provinces canadiennes. Le Conference Board du Canada[4] estime d’ailleurs que le Québec se dirige vers des déficits structurels – qui ne sont pas dus à la récession, mais plutôt à des facteurs plus profonds comme le vieillissement de la population. Le statu quo nous mènerait vers un déficit qui pourrait atteindre plus de 47 milliards de dollars dans 20 ans. Les dépenses en santé accapareraient alors 63,4 % des revenus du gouvernement et le seul service de la dette passerait à 22,5 %. C’est dire que si rien n’est fait, il ne resterait que 14 % du budget pour l’éducation, la famille, les transports, la sécurité publique et la justice, la culture, etc.

Si le Québec souhaite faire face aux défis qui sont les siens, il n’y a plus lieu de tergiverser et de « pelleter les problèmes par en avant ». La politique qui consiste à dépenser maintenant en promettant de payer plus tard nous a légué une dette de 234 milliards de dollars (en date du 21 mars 2011 – voir iedm. org pour une estimation plus précise). Le gouvernement du Québec est déjà celui qui impose le plus important fardeau fiscal en Amérique du Nord[5], alors il ne paraît pas réaliste de l’augmenter davantage. Une hausse du fardeau fiscal n’est pas souhaitable non plus : ce fardeau considérable ralentit déjà la croissance de l’économie québécoise. Il faut de façon urgente repenser les dépenses gouvernementales et la prestation des services publics.

La dette du Québec est vraiment préoccupante

La dette du Québec est la plus lourde parmi celles des provinces canadiennes. Elle augmente aussi plus rapidement que le laisse croire le seul déficit en raison notamment d’investissements en infrastructures. La fiscalité étant plus lourde au Québec, il n’y a pas de marge de manœuvre de ce côté. Enfin, la dette doit être diminuée pour éviter que les générations futures aient à assumer son fardeau alors qu’ils devront déjà affronter des problèmes considérables liés au vieillissement de la population. Dans ce contexte, la dette du Québec est vraiment préoccupante.

Pour de plus amples renseignements, voir : Le Point sur la dette du gouvernement québécois et Questions et réponses à propos du compteur de la dette.

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1. Le 23 mars 2010, Desjardins Études économiques avait fait paraître un Point de vue économique intitulé La taille de la dette du Québec est très préoccupante.
2. Voir : Ministère des Finances du Québec, La dette du gouvernement du Québec, mars 2010.
3. Selon la dernière estimation disponible, 76,4 % en 2008. Statistique Canada, Tableau CANSIM 385-0014.
4. Mario Lefebvre, Les finances publiques du Québec : l’heure des choix a sonné, Conference Board du Canada, novembre 2010.
5. Institut Fraser, Economic Freedom of North America 2010, p. 29.

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