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Presentation before the Canadian Democracy and Corporate Accountability Commission

by Michel Kelly-Gagnon, Executive Director of the Montreal Economic Institute, June 6, 2001.

Mesdames et Messieurs les commissaires,

Nous sommes heureux de contribuer aux travaux de votre commission. Je suis directeur exécutif de l’Institut économique de Montréal, un organisme de recherche indépendant qui ne reçoit aucune subvention des gouvernements, et dont la mission est de promouvoir l’approche économique dans l’étude des politiques publiques. La position présentée aujourd’hui ne représente pas nécessairement l’opinion du Conseil d’administration de l’Institut économique de Montréal ou de ses membres.

Je ne vous cacherai pas que notre présentation se veut critique de l’approche et des concepts mis de l’avant dans le document Survol des enjeux qui sert de base à vos travaux, car vous cherchez à appliquer au domaine économique une logique essentiellement politique.

Plutôt que de regarder la discussion sous le prisme d’un débat «gauche» versus «droite» j’aimerais analyser avec vous certains concepts théoriques fondamentaux souvent peu connus ou mal compris.

Je vais donc consacrer l’essentiel de ma présentation à expliquer pourquoi nous avons des réticences face aux prémisses fondamentales inhérentes à votre approche. Durant la période d’échange, je serai évidemment disponible pour tenter répondre plus spécifiquement à certaines de vos questions.

I. La logique politique versus la logique économique

Selon notre compréhension de la prémisse de base de votre document de travail, il y aurait un parallèle direct à faire entre, d’une part, la responsabilité des institutions gouvernementales vis-à-vis le peuple, et, d’autre part, la responsabilité des entreprises envers l’ensemble des citoyens.

Toutefois, nous estimons que la nature des comptes que doit rendre l’État par rapport à ceux que doivent rendre les corporations est fondamentalement différente.

Confondre les deux seraient une erreur conceptuelle grave, voire même une faute éthique.

En effet, l’État agit, en théorie, et j’insiste pour dire en «théorie», au nom de tout le peuple et tire son pouvoir et sa légitimité d’un scrutin démocratique.

Il est le mandataire de la volonté populaire et possède le monopole de la coercition.

Autrement dit, lorsque l’État impose une règle ou une politique, celle-ci est imposée à tous sous peine de sanctions légales et, ultimement, sous peine de perte de liberté pour les contrevenants.

La logique de financement des activités de l’État repose également sur la coercition: personne n’a le choix de payer ou non ses impôts. Comme on dit: «un impôt, ça s’impose».

Pour toutes ces raisons, ces règles et politiques issues de l’action étatique doivent faire l’objet d’une large approbation populaire pour être légitimement acceptées dans le cadre d’un régime démocratique.

En conséquence, l’État doit rendre des comptes à ceux qui lui ont donné ce mandat de régir la vie en société en leur nom.

Une corporation, au contraire, ne doit son existence qu’à ses propriétaires qui lui fixent des objectifs précis de production de biens et services. Elle ne dispose d’aucun moyen légal pour imposer ses décisions.

Ses rapports avec tous les intervenants économiques et sociaux – soit ses employés, ses clients, ses fournisseurs, ainsi que les communautés où elles fait affaire – se font sur la base de relations contractuelles volontaires.

Une entreprise ne peut tirer des revenus que, et uniquement que, si les consommateurs décident volontairement d’acquérir ses produits et services.

Dans une économie de marché, les objectifs d’une entreprises sont fixés par ses propriétaires et n’émanent pas d’une volonté populaire exprimée tous les quatre ou cinq ans.

Ils sont validés ou contredits, quotidiennement, par les décisions du public de consommer ou non ses produits.

Il est important de comprendre – et ceci est le noyau dur de notre argumentation – que les entreprises ne sont PAS assimilables à des institutions politiques.

On ne peut donc pas les considérer comme des extensions de l’État vouées à la poursuite d’objectifs collectifs.

Si l’on comprend la logique économique, on doit conclure que les corporations n’ont pas d’«obligations sociales» au sens où semblent l’entendre votre Commission.

Bien sûr, elles doivent respecter, comme n’importe quel autre citoyen, les lois et règlements applicables. Qui, soit dit en passant, sont légion dans ce pays.

Leurs obligations sont de nature privées et contractuelles et, par conséquent, elles n’ont de compte à rendre qu’à leurs propriétaires et à ceux avec qui elles transigent sur une base volontaire.

II. De l’utilité sociale des corporations

Même si les corporations n’ont pas d’«obligations sociales» au sens où l’entendent les prémisses de votre document de discussion, il ne faut pas pour autant en conclure qu’elles n’ont pas d’utilité sociale ou que leurs activités se font au détriment de la majorité.

Au contraire, dans un État de droit et une économie de marché, le système des profits et pertes garantit que ce qu’elles feront aura comme conséquence d’accroître le bien-être du plus grand nombre.

À n’importe quel moment, il y a un nombre quasi infini de projets d’investissement.

Certains augmenteront la valeur des ressources et encourageront le progrès économique. D’autres détruiront la valeur des ressources et mèneront à un déclin économique.

Pour que le progrès économique puisse se poursuivre, les projets qui augmentent la valeur des ressources doivent être encouragés, les autres, évités.

C’est précisément le rôle des profits et des pertes dans le cadre du marché que de favoriser ce choix. Une corporation ne peut donc prospérer qu’en répondant aux attentes des consommateurs et en utilisant à meilleur escient possible les ressources rares disponibles.

Essentiellement, le profit est la récompense que les propriétaires d’entreprises gagnent s’ils produisent un bien qui vaut plus pour les consommateurs que les ressources requises pour la production de ce bien.

De plus, la présence de profits élevés dans un domaine est le symptôme d’une demande forte, et le signal que davantage de ressources doivent être consacrées à cette fin.

Vous me direz peut-être que c’est de l’Economics «101». Mais, justement, je constate qu’il est souvent nécessaire, dans ce type de discussion, de revenir à l’Economics «101» car ces principes fondamentaux sont souvent assez mal compris.

En conclusion sur ce point, la recherche du profit amène donc des gains sociaux.

Tout ce qui précède ne signifie pas que toutes les décisions des dirigeants d’entreprises sont toujours bénéfiques, ni que les entreprises ne sont pas responsables des conséquences de leurs actions.

Au contraire, dans une économie de marché, les droits de propriété nous assurent que les entreprises bénéficient des retombées positives de leurs actions, mais, également, qu’elles seront tenues responsables des conséquences négatives de leurs actions lorsque cela affecte la propriété d’autrui.

Il y a en effet des problèmes de droits de la personne, de pollution, de corruption, etc.

Mais ces problèmes découlent généralement d’une structure juridique qui ne reconnaît pas l’existence de droits de propriété, qui les définit mal ou qui ne applique pas.

Autrement dit, pour parler clairement, le principal problème du Soudan n’est pas la présence de la corporation Talisman mais bien l’absence d’un État de droit dans ce pays.

Conclusion

Cette logique économique, et non l’approche politique proposée dans votre document de travail, nous amène donc à conclure que la recherche du profit est la garantie la plus sûre que les corporations seront utilement sociales.

Ceci, bien sûr, en autant qu’elle se fasse dans le respect des droits individuels et du droit de propriété d’autrui. Et il n’est pas nécessaire de créer un nouveau cadre réglementaire pour atteindre cet objectif.

Avant de conclure, je voudrais répondre spécifiquement à votre Question 1 où vous demandez:

Question 1: Les compagnies devraient-elles fournir de l’information détaillées quant à leur respect des lois et des politiques? La loi devrait-elle exiger qu’une entreprise produise des «bilans sociaux» réalisés par une firme indépendante? Etc.

Ma réponse: Ces propositions relèvent davantage de Big Brother que d’un État de droit où l’on peut faire ce que l’on veut à l’intérieur du cadre légal sans se faire harceler par le pouvoir.

Il est d’ailleurs étonnant que vous utilisiez le concept de «responsabilité» sociale, alors que ces propositions ressemblent davantage à des obligations légales et bureaucratiques.

Le sens des responsabilités implique, par définition, la liberté de choix. La liberté est le corollaire obligé de la «responsabilité sociale»; on ne peut pas l’imposer de façon coercitive.

MERCI!

**Copresided by Ed Broadbent and Avie Bennett, the Canadian Democracy and Corporate Accountability Commission, a non-governmental commission, has held hearings across Canada during the past couple of months and will propose changes to the law on this theme. The project is organized by the Arthur Kroeger College of Public Affairs at Carleton University and its main sponsor is the Atkinson Charitable Foundation.

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