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Op-eds

Les deux classes moyennes

Drôle de rêve cette nuit. Mon fils entre à l’université. Il demande: «P’pa, quel métier devrais-je faire plus tard?»

«Qu’importe! Assure-toi de travailler pour le gouvernement, mon fils», dis-je… en russe!

Je me réveille d’un bond. J’ouvre la lumière et saisis le verre d’eau sur ma table de nuit. J’y aperçois Crime et châtiment, de Dostoïevski. Ce chef-d’oeuvre se déroule en Russie au XIXe siècle. À cette époque, un poste au sein de l’État était souvent la seule échappatoire à la pauvreté…

Mais outre ce livre, autre chose avait pénétré mon subconscient: le clivage qui divise tranquillement la classe moyenne au Québec. Qui fait que, si j’étais étudiant aujourd’hui, je viserais un boulot dans la fonction publique.

Je m’explique. La crise économique frappe surtout les travailleurs de la classe moyenne – la majorité d’entre nous. Plus elle va secouer le Québec (car elle ne fait que commencer, quoi qu’en disent certains), plus elle jettera de travailleurs à la rue.

Conséquence: dans les années à venir, la sécurité d’emploi et la pension de retraite garantie deviendront des luxes. Ce qui va compter, c’est avoir un travail. Peu importe le salaire. Et des sous pour survivre à la retraite.

En ce moment, seuls les employés du secteur public ont une sécurité d’emploi. Le reste d’entre nous se croise les doigts pour éviter le couperet, qui peut tomber à tout moment. (Combien vaut cette sécurité? De source sûre, on a offert aux employés de l’Agence des PPP du Québec de renoncer à leur sécurité d’emploi contre une hausse salariale de 17%… Ils ont refusé!)

La retraite? Les employés du secteur public jouissent d’un régime de retraite blindé (qui leur garantit un montant fixe, même si la Bourse chute). Dans le privé, seul un travailleur sur cinq profite de ce régime «Cadillac». Le reste d’entre nous prie pour que la bourse tienne bon, afin de préserver ce qui reste de nos REER.

Pire: quand les caisses de retraite des employés du gouvernement fondent, qui les renfloue? Les contribuables. Incluant la majorité, qui n’a ni régime de retraite, ni sécurité d’emploi. C’est arrivé cette année avec le régime des employés de la Ville de Montréal et celui des éducatrices des CPE.

La classe moyenne se scinde en deux au Québec : une classe moyenne blindée, et une classe moyenne vulnérable, qui fait vivre la première.

À moins d’être riche, mon fils, assure-toi d’entrer dans la première.

David Descôteaux is an Economist at the Montreal Economic Institute.

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